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1 novembre 2009 7 01 /11 /novembre /2009 19:52
Pour accéder aux relations de chaque journée, cliquer sur le titre.

Vol American Airlines De Paris à Dallas. Rien à dire. Le minimum en classe touriste est respecté. Il y a même des films en français !

 

Prise  en charge des motos à la concession EagleRider Of Dallas à Irving :

Excellent service. Longues explications et revues de détail.

Installation à l’hôtel Hampton Inn



21H00 : Dîner au Spring Creek Barbeque d’Irving. Combinaison de viandes grilles (boeuf, jambon, ribs, poulets, saucisses, poitrine…)

 

 

Jour 02: 12 septembre DALLAS – AMARILLO  550 km

Petit déjeuner continental à l’hôtel. Quelconque. Une première approche de ce que vont être les cafés !

 

12H00 : Déjeuner au Norman's Catfish à Vernon sur la 70 d’un steak de poulet pané noyé dans de la sauce….

Dîner à Amarillo au Big Texan Steak Ranch du célèbre steak, trop cuit et insipide.

 

Logement à Hôtel Big texan ranch. Lit correct, mais salle de bain douteuse et vieillarde

 

 

Jour 03:13 septembre  AMARILLO – SANTA FE  400 km

Petit déjeuner continental à l’Hôtel Big texan ranch. Copieux et variés.

 

Arrêt à Adrian, le « Midpoint » de la route 66. Accueil très sympa 

 

Arrivée à Tucumcari et Déjeuner au Kix on 66 d’un burger sans prétention mais cuit à point


Arrêt à l’Auto 66 Museum de Santa Rosa

 

Arrivée et installation à l’hôtel Santa Fe Sage Inn

 

 

Dîner au Railyard de Santa Fe, gaspacho, Steak de saumon à la polenta ou Faux-filet aux champignons et sherry

 

 

 

Petit déjeuner au Santa Fe Sage Inn. Quelconque et sans rapport avec la qualité de l’hôtel.


 

Déjeuner au French Pastry Shop. Coffee and snack shop. Homemade French pastries, cakes and bread, 505-983-6697. Juste pour se remémorer… et entendre le français sans accent du patron. Croque monsieur comme à Paris et galettes bretonnes comme à Concarneau.

 

 

Dîner au Teofilo’s. Plats mexicains, Tacos au bœuf, enchilada ou burritos. Sans grande prétention mais sympathique.

 

 

Seconde nuit au Santa Fe Sage Inn.


 

 

 

Petit déjeuner continental. Pas mieux que la veille et il n’y a pas de raison que ca change…

 

 

Pause café au Route 66 Dinner d’albuquerque installé dans une ancienne station Philips 66 des années 1940. Pour la nostalgie que le lieu dégage, très Américan Graffiti

Déjeuner au Aurelia's Mi Chante Restaurant à Los Lunas. Sopapillas , fajitas et enchiladas.

 

 

Dîner et logement à l’hôtel El Rancho à Gallup. L’hôtel est magnifique (le mythe des stars passées perdure), les chambres minuscules – surtout la salle de bain - et la cuisine classique mexicaine est passable (enchiladas, tamales, tacos et relleno).

 

Jour 06: 16 septembre : GALLUP – PETRIFIED FOREST – FLAGSTAFF  300 km

Petit déjeuner continental au El Rancho. Copieux et varié

 

Déjeuner au Butterfield Stage Co Steak House à Holbrook, Saumon d’élevage trop cuit.

Dîner Au Granny’s Closet à Flagstaff. Un steak et des frites tout simplement.

Nuit à l’hôtel The Monte Vista de Flagstaff. Mythique mais chambre vraiment quelconque et lit antédiluvien. Heureusement le matelas sauve le sommeil !

 

 

 

 

Jour 07: 17 septembre :FLAGSTAFF – GRAND CANYON  150 km

Petit déjeuner continental à l’hôtel The Monte Vista

 

 

Déjeuner au Canyon Plaza Resort à Grand Canyon Village (South Rim). Nourriture très moyenne en self-service pour cet hôtel restaurant de luxe.

Dîner au Maswick Lodge South de Grand Canyon. Un self service mais diverses cuisines en fonction du type de plats choisis. Le cuistot fait comme en le souhaite, avec le sourire. Seul reproche, la salle fait vraiment cantine…

 

 

Dîner et logement au Maswick Lodge South de Grand Canyon au cœur des bois.

 


Jour 08: 18 septembre :GRAND CANYON – MONUMENT VALLEY –PAGE 450 km

Petit déjeuner américain au Maswick Lodge South

 

 

Déjeuner au cœur de Monument Valley  en compagnie des indien Navajos, plus un pique-nique qu’autre chose. Mais la viande, cuite au barbecue, pouvait être mangée saignante

 

Logement au Courtyard de Page

 

Dîner au restaurant "Dam Bar Grill" également appelé "Gun smoke saloon" de Page (Merci Valérie). La décoration intérieure rendait hommage au barrage. De toute façon, le repas ne méritait pas une hola d'enthousiasme.

 

 

 

Jour 9 : 19 septembre :PAGE – BRYCE CANYON  230 km

Petit déjeuner continental au Courtyard

 

 

Croisière d’1h30 sur le Lake Powell (Antelope Canyon Cruise). Trop court. Quitte à faire une croisière sur le lac, autant prendre son temps et aller bien au-delà de Page…

 

 

Déjeuner au Chuckwagon Cookouts à Kanab. Accueil déplorable et la table comme le service qui ne rattrape rien. On se croirait au fin fond du Texas bouseux et prétentieux. Et encore...

 

logement au Bryce View Lodge.  Pas si mal pour un 2*

Dîner à une soirée country organisée par le Ruby’s Inn dans une immense grange près du motel. Sympa, décontracté et orchestre dynamique pour qui aime la country music

 


Jour 10 : 20 septembre  BRYCE – ZION NP – LAS VEGAS 380 km

Petit déjeuner américain 

 

 

Déjeuner au Pioneer Lodge Restaurant. Accueil sympa et enfin une bonne viande parfaitement cuite !!!!

 

Logement a l’Hôtel Excalibur sur le strip. Désolé, je ne suis pas sensible à cette usine à rêves mais je dois reconnaitre que les chambres sont de qualité. Dommage que la WiFi soit payante !

Dîner à l’Excalibur au Roundtable Buffet C’est pas terrible, mais au moins on a le choix avec de la nourriture de tous les continents…. Mais quoi qu’il en soit, tout cela est bien cher.

 

 

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12 octobre 2009 1 12 /10 /octobre /2009 23:37
Bon nombre de mes lecteurs ont voulu en savoir un peu plus sur le terme chautauqua que j’ai employé pour raconter les différentes journées consacrées à ce voyage. Je suppose qu’ils ont trouvé l’explication sur Wikipedia. Il est possible que ce site ait pu satisfaire leur curiosité mais cela n’est pas certain. Aussi voici ma propre explication et l’usage que j’en ai fait.
Chautauqua est un mot de la langue Seneca, un peuple amérindien et plus précisément l’une des nations iroquoises du nord est d’Amérique du Nord. Peu importe la signification de ce terme en Sénéca car elle a depuis évolué. En fait, Chautauqua était également le nom de l’endroit où eut lieu pendant l’été 1874 une expérience tentant à combiner la transmission d’un savoir et d’une éthique par le biais du divertissement. Cette expérience devint une manifestation régulière jusqu’à devenir petit à petit un réel phénomène de société. Au fil des années, elles se transformèrent et devinrent essentiellement itinérantes. C’est à ce sens original que je me suis référé.
En effet, je ne considère pas le voyage comme un simple parcours géographique ponctué de prises de vues et d’achats de souvenirs. Dans mon esprit, il est avant tout le levier d’une découverte tous azimuts, allant des faits historiques aux choses naturelles, de rencontres d’hommes du passé et du présent, véhiculant des idées, des pensées, des oeuvres. Tout cela constitue petit à petit un tout qui donne une dimension tout autre au voyage. C’est cela que je recherche et tente de partager. Désirant éviter par ailleurs un discours docte, si tant est que j’y sois parvenu, j’ai apporté à cette relation un côté plus personnel, en y contant nos propres aventures en espérant bien que le côté ludique des anecdotes relatées puisse retenir l’attention des lecteurs. J’ai donc bien écrit des chautauquas et non seulement une relation de voyage !

Je ne sais pas si je suis bien clair. Si ce n’est pas le cas, le plus simple est sans doute de vous renvoyer vers celui qui m’a appris ce qu’est un chautauqua, Robert Maynard Pirsig, dans son roman philosophique et relativement autobiographique « Traité du zen et de l’entretien des motocyclettes ». Il l’écrivit en 1974 à la suite d’une traversée des USA sur une BMW avec son fils et un couple d’amis (voir les photos de ce voyage à l’adresse :

http://ww2.usca.edu/ResearchProjects/ProfessorGurr/gallery/slideshow.php?set_albumName=Pictures-Robert-Pirsigs-original-1968-trip

On le trouve encore aujourd’hui aux éditions de poche Points. Octave Mannoni dans sa préface de l’édition française publiée en France par les Editions du Seuil en 1978 - sous une couverture hideuse - nous averti : « Pirsig a l'air de simplement nous raconter une longue randonnée à travers le continent américain, tout en s'intéressant aux problèmes techniques que peuvent poser les motocyclettes… cependant, ces sujets ne sont l'essentiel » En fait, Mannoni nous montre que d’après Pirsig, la paranoïa qui frappe le monde d’aujourd'hui, a trouvé refuge dans la technologie elle-même. « Objectivée, elle est devenue impersonnelle et ainsi d'autant plus incurable. Elle condamne l'homme d'aujourd'hui, l'individu, à une existence schizophrénique ».

Il me semble que mon propos rejoint quelque peu cette idée en montrant le fossé intolérable qui se creuse entre la réalité que présente la nature et celle d’un monde moderne de plus en plus factice et virtuel mais surtout de plus en plus néfaste pour la nature. Et tant pis si je passe pour un incurable bobo ! Ce fut dans mon cas d’autant plus frappant que l’usage de la moto accentue l’emprise du milieu sur nos sensations et notre perception du monde réel. A contrario, la voiture est une bulle de technologie qui nous sépare totalement du milieu naturel. L’automobiliste est au cœur d’un spectacle qui ne le change pas vraiment d’un écran de téléviseur ou de cinéma ; une simple fiction, dans un endroit confiné, protégé, climatisé ; un nouveau jeu vidéo dont les protagonistes – paysages, hommes et bêtes - ne pénètrent jamais l’enceinte.

Les motards ont une relation directe avec la nature, voir charnelle ; la pluie fouette le visage, le vent chahute la chevelure, le froid gerce les doigts, le soleil dore la peau...

En somme un acte d'amour.

 

Robert Maynard Pirsig

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9 octobre 2009 5 09 /10 /octobre /2009 20:03

La route 66 est un mythe. J'en conviens. J’ai déjà expliqué les raisons de cet état dans les chautauquas. De là à en faire une destination de rêve est quelque peu exagérée, du moins pour la partie que je connais, entre le Texas et le Nevada. Je peux relativiser cette réserve lorsque les paysages, notamment du Nouveau Mexique, enrobent d’un écrin magnifique la route. Mais dans ce cas, le mythe devient largement une anecdote, tant la beauté de la nature accapare toute notre attention.


Qu’est la 66, si ce n’est une longue route ponctuée d’une succession de boutiques et de vieux motels fermés dans le meilleur des cas, effondrés dans le pire, mais en général abandonnés Certains, il est vrai, subsistent. Difficilement. Et pour attraper les quelques chalands qui passent, on y emploie les vieilles recettes du passé ; enseignes lumineuses, panneaux publicitaires, bannières, épaves de véhicules aux couleurs agressives ou restaurées avec soin…Une lutte puérile entre des propriétaires désabusés consistant à ériger la plus haute, la plus voyante, la plus kitch, la plus lumineuse, des enseignes, au pied desquelles trônent des statues en résine présentant le cénacle pitoyable de Dieux commerciaux. Désolé, je ne flippe  pas devant le Jack Rabbit Trading Post ! Je l’ai déjà dit, cete route est un musée en plein air, à la Disney. Pas de quoi fouetter la Harley ! D’autant qu'elle est souvent dans un état tel que le périple peut prendre l’allure d’un chemin de croix.

C’est particulièrement vrai dans le Texas, au cœur duquel les grandes plaines réduisent en bouillie toute velléité de s’extasier. C’est plat, c’est moche, c’est morne… Et ce n’est pas un panneau Historic 66 qui réveillera le voyageur. Même si quelques arrêts ont été agréables, je pense notamment à Adrian Café, l’accueil ne fut chaleureux que par les clients qui s’y retrouvèrent, par hasard, dans le partage d’un même « trip »…

Jugement sévère sans doute, mais inévitable après les chocs esthétiques que procurent les routes qui serpentent au cœur des parc nationaux, la portion de la 84 qui permet de rejoindre l’ancien tracè de la 66 pour Santa-Fé en passant par Los Montoyas et Romeroville, une jubilation, ou encore Turquoise Road, cette merveilleuse petite route qu’il ne faut surtout pas rater entre Santa-Fé et Albuquerque, Et d’autres encore, sans doute, que nous espérons encore découvrir une prochaine fois...

Pour ceux qui veulent toutefois se lancer dans l'aventure, qu'il prenne une bonne carte, qu'il prenne leur temps, et qu'ils fassent tout pour éviter l'interstate 40, quitte à rouler au pas sur du gravier ou du sable... s'ils sont en Harley !

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4 octobre 2009 7 04 /10 /octobre /2009 18:49

Se trouver pour la première fois face à une Harley Electra Glide procure une sensation que j’imagine volontiers être celle d’un gamin s’apprêtant à débourrer un étalon. Certes, l’image est relativement osée car l’Electra Gilde n’a pas vraiment l’aspect d’un pur-sang arabe mais plutôt d’un boulonnais. Quoi qu’il en soit, on se demande bien comment enfourcher la bête. Surtout lorsqu’on doit faire confiance aux 3 vis plantées dans la tête fémorale d’une jambe astreinte à tenir ce corps mal foutu lors de cet exercice périlleux. Tout est dans la retenue… d’un geste radical. Bien viser, heureusement la selle est large. Se lancer franchement, tout en contrôlant l’énergie déployée. Il ne s’agirait pas de basculer de l’autre côté et provoquer les rires des bikers du cénacle qui, quoi que vous fassiez pour préserver cette discrète prise en main, sauront qu’un petit frenchy s’essaye au « kick on Harley » sans les attributs indispensables, gros bide, tatouages, barbe en buisson, culotte de cuir et autre bandana ou persings… Ce n’est pas mon embonpoint qui me fera passer pour l’un d’entre eux. Ridicule, quoi !

Aussitôt le cul sur la selle apparaît l’effroyable vérité ; non de non, j’ai vraiment des jambes de nabot… Difficile de poser les deux pieds à terre. Si le talon touche d’un côté, de l’autre, il flotte dans le néant. Heureusement, mes 1m70 autorisent toutefois l’extrémité de mes doigts de pieds à gratter un sol fuyant. Moquez-vous, riez si vous voulez, mais ce n’est pas un détail ! Ma douce et tendre va devoir monter également ; de tout son poids, sur l’un des côtés, puis de tout son poids, sur l’autre ! Faut bien qu’elle bascule pour s’asseoir… Et son poids, c’est quand même du poids (te vexes pas chérie, je t’en prie, j’explique…). Je dois donc contrer ce brusque mouvement de bascule par une retenue à droite puis dans une synchronisation parfaite jeter toute mon énergie dans la retenue à gauche… Vous suivez ? Pas de mal de mer ? Le plus simple, avec l’expérience, est de toujours avoir la moto sur sa béquille lorsque le passager doit monter. Puis avec son aide, une grande confiance et une synchronisation éprouvée – les vieux couples savent exercer ce type de mouvement rythmique -  de basculer la moto afin de la stabiliser sur ses roues. Heureusement, le poids, la largeur des roues et l‘équilibre générale de l’engin lui octroient un centre de gravité très bas générant un équilibre large et une tenue aisée. Vous me direz, c’est un peu normal au vu du bide de la bête. Ca déborde de tous côtés… 9a oblige d’écarter les jambes, ce qui dans mon cas, aggrave l’amplitude de l’angle que devraient former mes 2 pieds avec la roue avant ! La taille des calles pieds, taillés pour des planches de surf, amplifie l’écartèlement. L’angle n’est plus qu’une belle droite, et la silhouette générée provoque l’esclaffement généralisé de la troupe des affranchis bikers qui s’est quelque peu amplifiée. En plus ça tiraille du côté des adducteurs ! Faut pas rester ainsi des heures ! Vite, démarrer ! Mais pour cela, il faut avant tout rabattre cette foutue béquille qui vous nargue… bien au delà de votre portée ! Il y a sans conteste des vicelards cher Harley. Je glisse la fesse sur la selle, je baisse le guidon en sens inverse, un petit tour de rein et cette foutue pièce toute chromée est saisie par miracle. Rapport aux bikers qui me surveillent, je ne préfère pas vous raconter lorsqu’elle est plantée dans un sol mou !

Enfin, c’est fait ! Un coup d’accélérateur et en attendant que l’air chaud vienne sécher la sueur accumulée, on peut souffler, se lâcher tous les muscles, sauf un, le doigt qu’on adresse aux bikers encore hilares, et demander à Madame un petit massage des reins. Comme quoi la Harley ne s’apprécie qu’en roulant.

Ceci dit, faut bien s’arrêter, parfois ! Lorsque le sol était sain, je ne prenais pas de précaution particulière. La stabilité de la moto nécessitant un seul point d’appui, je n’avais pas à planter mes 2 pieds par terre. Lorsque ce n’était pas le cas, et Dieu sait que la 66 de ce point de vue nous a tout montré, il fallait impérativement avoir suffisamment d’espace pour bien choisir sa piste d’atterrissage. Le problème n’étant pas tant de s’arrêter, que d’avoir à repartir et anticiper la délicate mission du démarrage comme je viens de vous le relater. Surtout lorsque on envisage de baisser la béquille. Un sol légèrement en pente dans le sens de la marche et cet accessoire ne suffit pas à retenir la moto entraînée par son poids. Autre danger, une surface instable de sable ou de gravier avale goulûment ce facteur de sécurité entraînant la chute de l’engin. Tour de rein garanti si vous êtes seul pour la relever… ou coup de gueule pour rameuter les bikers du cénacle qui se foutaient déjà de vous au départ, afin qu’ils vous donne un coup de main… Comme quoi le doigt levé était tout à l’heure une mauvaise idée !

La Harley est tout sauf ramingue. Elle répond au quart de tour à la moindre commande de son cavalier. Sa forme ensellée lui confère une assise confortable et un centre de gravité bas facilitant sa tenue. Ah oui, pardon, je l’ai déjà dit. Dès que les roues tournent, on pénètre dans une toute autre dimension où ne sont admis que facilité et plaisir. Les quelques reproches que je pouvais lui adresser lorsque mes pieds tentaient de toucher le sol sont dès lors oubliés. Et puis après tout, j’avais qu’à être taillé plus long !

Cette moto est un fauteuil 1ère classe sur roue. Même la première journée – plus de 500 bornes sous une pluie torrentielle et un blizzard à décorner une trottinette japonaise – ne m’a pas laissé une once de courbature. Ca file tout droit, ça répond à la moindre sollicitation du poignet ou du pied, et la tenue de route ne laisse aucune suspicion venir gâcher le plaisir. Le moteur est sans doute la source majeure de ce fleuve de tranquillité. Sa souplesse et telle que lorsque le sélecteur principal de vitesses céda, je démarrais aussi bien en première qu’en cinquième, sans le moindre rechignement de cette belle monture. Cette souplesse du moteur est appréciable – et particulièrement appréciée lorsque nous avons quitté les interstates aux lignes droites interminables pour les petites routes de montagne. Virages, côtes, épingle à cheveux, la belle se joue de tout. Sur sa selle, le pilote jubile, en toute confiance, en pleine extase, d’autant que le spectacle que déroulent les paysages est de toute beauté. On touche alors le vrai bonheur. La Harley est un mythe justifié. Désormais, je rêve d’en posséder une.

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20 septembre 2009 7 20 /09 /septembre /2009 06:39
Départ très tôt ; une fois de plus. Et la perspective d’entreprendre la dernière route ne soulève guère l’enthousiasme. Il fait, en outre, froid, à peine 5° et le soleil ne se lève qu'à peine. N'oublions pas que nous sommes à plus de 2200 mètres d'altitude. Nous reprenons la route parcourue la veille. Derniers regards sur ces magnifiques sculptures naturelles dont les formes me rappellent certains récifs coraliens par leurs élans et leur érection. Et nous replongeons sous le soleil rasant dans la vallée si belle de Glendale.
Arrêt à Mont-Carmel Junction, pour nous soulager de quelques vêtements et accessoirement de la vessie. Chouette, une petite épicerie fait des expressos. Nous nous ruons dessus. Visiblement, le taulier reçoit beaucoup d'européens. La confirmation ne tarde à arriver. Un, puis deux, puis au bout de quelques instants, 6 cars de touristes arrivent... On file aussitôt !
Nous quittons la 89 pour la 9. Aujourd'hui, dernier parc de notre périple, direction Zion : « Le refuge » en hébreu, mais je soupçonne plutôt un mormon d’avoir baptisé le lieu. Ils sont légions par ici, et tout autant religieux que les rabins, si ce n’est plus ! Nous suivons le cours de la rivière Virgin, dont le nom ne reflète pas l'ardeur qu'elle a mis à creuser une faille de 800 mètres de profondeur sur 24 km de long : Zion Canyon. Nous déboulons dans cette vallée dont le fond va peu à peu se transformer en une faille magistrale. Le relief composé de couches stratifiées de diverses roches, schiste, grès, calcaire, argile, produit des textures toutes en courbes que contredisent falaises, éboulis, failles et canyons.
Où que l'on tourne le regard, la palette des couleurs et des formes varie son jeu en mille mouvements. Des splendeurs naturelles que la lumière, l'eau et les pins ponderosa enrichissent... Malheureusement, la petite route du parc est prise d'assaut. Nous sommes dimanche. Tout le monde semble s'être donné rendez-vous ici !
Il est vrai que le parc est un refuge pour les habitants du désert qui enserre Las-Vegas et que nous devons affronter maintenant. Mais avant tout, arrêt déjeuner à Springdale. Une petite ville calme et verdoyante qui a su conserver une douceur et une bonhommie chaleureuse malgré le tourisme de masse qui la fait vivre. Nous décidons de nous offrir un burger, un vrai, celui de l'ouest sauvage (là, je m'emballe...)

Et bien, c'est pas si pire comme dirait ma fille, et en tout cas bien plus mangeable qu'un Mac Do. La viande est tendre et non carbonisée (exploit). Deux steaks hachés, l'un sur l'autre, chacun faisant bien ses 200 grammes, accompagnés de frites, des vraies ! D'ailleurs certaines avaient encore la peau sur le dos. Bref, un régal. Comme quoi, je ne suis pas si obtus que ça !
On a rendez-vous chez le loueur à 16 heures pour rendre nos machines. Il faut repartir. Le plus difficile reste à faire. C'est ici le réel terme de notre périple. Tout ce qui suit, relève de l'intendance. Indispensable bien entendu et pénible, moralement car c'est l'arrêt d'une expérience grandiose et physiquement car on va affronter l'interstate sous 40° ! On arrive sur la 15 un peu au sud de Cedar-City. Je me souviens que dans ce patelin paumé de l’Utah, Sam Shepard écrivit un soir de l’année 1980 ce poème

Les monts Wabach rougeoient dans la nuit
Bruits base-ball : les minimes sous les projecteurs géants

Les acclamations se répercutent sur le flanc de la montagne
Nous traversons le ruisseau à pied

Les peupliers bruissent doucement au dessus
Nous voyons le match d’où nous sommes

Des gamins qui chassent une balle
La rivière est glacée

Nous découvrons un pont artisanal
Des planches assemblées par des mômes

L’autre berge est sableuse
Des pierres lisses

La montagne domine cette ville
On le sent depuis la rivière


Sam Shepard est un écrivain avant d’être un acteur. Ce poème sans y paraître, est la représentation textuelle de cette impression lassante que laisse l’uniformité de la route en ces contrées. Le terme du voyage n’est peut-être pas aussi étranger à l’importance que je lui donne. Il avait été publié dans un recueil au titre merveilleux « Motel Chronicles ». En fait, de mortelles chroniques, par un écrivain seul le soir dans un motel perdu de l’Ouest américain. Plus loin à St. George, les guides proposent de visiter la cathédrale des Mormons. Je me moque éperdument  du culte de l'église des derniers saints. Je pense plutôt à celle qui se foutait tout autant de telles fadaises car nous longeons le théâtre des exploits d’une jeune femme qui, bien que hors la loi, a conservé une tendresse toute particulière dans l’imaginaire des habitants du coin.
Dans l'après-midi brûlante du 30 mai 1899, cachés dans l'ombre d'un rocher du Cane Springs Canyon, tout près d’ici, Pearl Hart et Joé Boot surveillent la passe. Pearl est vêtue d'une longue chemise de travail grise, tenue par un large ceinturon. Y est glissé un 38. Elle a des bottes au pied et un sombrero cache ses longs cheveux blonds. Elle a tout l'air d'un homme malgré sa petite taille. Lorsque la diligence apparaît, Joé se précipite pour maîtriser les chevaux, un colt 45 à la main, puis visant le cocher, lui intime l'ordre de lever les mains. Pearl a déjà ouvert la porte de la diligence et braque son révolver sur les passagers. Puis par des petits mouvements de la main, leur intime l'ordre de descendre. Elle évite de parler afin de cacher son sexe. Elle leur fait comprendre de vider leurs poches et ramasse près de 400 $. Les victimes raconteront plus tard, qu'elle restituera à chacun d'eux 1$ afin qu'ils puissent se loger et se nourrir le lendemain. L’affaire a été rondement menée. Pearl et Joé s’emparent de la carabine du cocher, sautent sur leur chevaux et s'enfuient vers les Mud Mountains. Las ! Ils avaient oublié d'étudier un plan de fuite sérieux et se perdent rapidement. Pire, ils laissent des traces. Un détachement de poursuivants sous le commandement d'un shérif qui connaît tout autant son affaire que la région est au bout de quelques jours sur leurs talons. Les braqueurs se font prendre une nuit, endormis près d'un feu de camp. Si Joé ne fait aucune difficulté pour se laisser entraver, Pearl au contraire se débat comme une tigresse relatera un article du Tuscon Citizen.
Pearl Hart est une belle jeune fille née en 1871 dans l'Ontario, brune aux yeux azur, petite, un mètre cinquante à peine, elle est séduite par un joueur de tripot à la réputation d'arnaqueur mais si beau parleur. Elle n’a alors que 16 ans et est pensionnaire dans une école religieuse. Elle réussit toutefois à s'enfuir avec lui. Du fait de son âge, elle est aussitôt recherchée par la police. Mais les épousailles des fugitifs y mirent un terme, temporairement... Courant de ville en ville, de combines en entourloupes, ils furent heureux pendant quelques temps. Mais l'époux s'avéra volage, alcoolique et parfois violent. Pearl supporta ces adversités ponctuées de séparations et de réconciliations, de douleurs, souvent physiques et de bonheur. Les naissances successives d'un garçon et d'une fille ne changèrent rien à la désagrégation du couple. La dérive itinérante du couple obligea Pearl à confier les bébés à sa mère.
En 1893, lors de la  World's Columbian Exposition de Chicago, Pearl rencontre un cow-boy du Wild West Show de Buffalo Bill. A la clôture de l'exposition, Pearl quitte son époux et saute avec son nouveau compagnon dans un train pour le Colorado. C'est l'époque de la ruée vers l'or. Des concessions s'ouvrent un peu partout, des villages naissent du jour au lendemain. Le nouveau couple se sépare. Pearl trouve un emploi de cuisinière dans la petite ville minière de Trinidad. A l'occasion, elle complète ses maigres revenus par des services à la personne plus intimes. Puis quand l'or fait défaut, elle change de villes, de concitoyens. Libre comme l'air, elle savoure son indépendance, repoussant toutes les limites, s'adonnant à l'alcool, à la morphine, fumant le cigare. Elle est l'égale de l'homme, jurant comme lui, et, si nécessaire, luttant contre lui. Lorsque les ressources minières s’étiolent, Pearl possède quelque argent de côté, mais plus de travail. Elle est dans la bourgade de Mammoth, lorsqu'elle reçoit une lettre de sa soeur lui annonçant que sa mère est au plus mal et qu'elle ferait bien de rappliquer si tant est qu'elle désire lui parler une dernière fois. Pearl n'a dès lors plus qu'une idée, réunir au plus vite suffisamment d'argent pour s'offrir un billet de train pour l'Ohio. Ses économies ne suffisent pas. Elle imagine divers plans avec son compagnon d'alors, le dénommé Joe Boot. Aucun n'est satisfaisant, et tout deux se résolurent finalement à braquer une diligence.
Ce sera le fiasco de Cane Springs Canyon
Pearl est incarcérée à la prison du comté de Pima, Joé à celle de Florence. Pearl acquiert alors une grande notoriété, dans le comté mais également bien au delà. Des journalistes de New-York font même le déplacement afin d'obtenir une photo ou une interview. Pearl est aux anges, d'autant qu'en devenant une célébrité, ses conditions de détention s'améliorent. Les notables locaux comprennent vite que la jeune femme présente de nombreux avantages pour le comté notamment en matière de communication... Par son charme, sa jeunesse, sa beauté et sa joie de vivre, elle propose un portrait tout à fait opposé à celui des habituels truands de grands chemins. Toutefois, Pearl redoute quelque peu l’affrontement avec la justice, d'autant qu'elle espère encore pouvoir retrouver sa mère. Aussi, séduit-elle un des prisonniers dont la bonne conduite lui a donné quelques privilèges et avec son aide, réussit à s'échapper.  Elle n'ira pas loin et est reprise au bout de quelques jours. Sa notoriété pouvait être, dans certaines circonstances, un handicap.

Lors de son procès, où elle doit répondre de vols, elle joue sur la séduction des jurés, invoquant sa position de femme seule dans une société d'hommes, tentant d'acquérir un peu de pitié en rappelant que le mobile du crime est un retour au chevet de sa mère mourante... et ça marche ! Les jurés la déclarent innocente. Le juge est, quant à lui, furieux. Il trouve la parade en portant l'accusation sur la menace d’une arme à feu sur les victimes. Rien ne peut dès lors y faire. Elle est condamnée à  cinq années d'incarcération à la prison territoriale de Yuma. Elle s'en tire bien, Joé de son côté est condamné à 30 ans de prison, qu’il n’effectuera pas du reste, s’échappant quelques mois plus tard et disparaissant à jamais.
Pearl également ne passera que quelques mois en cellule, un cachot de 2,5 mètres sur 3 creusé dans la roche ; la prison est construite sur le flan d’une colline. Elle est en effet libérée sur parole pour grossesse car, profitant de sa notoriété, elle menace de faire un scandale. Il est vrai que les seuls hommes qui l’ont approchée sont ceux qui travaillent dans l’enceinte de la prison ou quelques membres des autorités locales ainsi que le gouverneur et le pasteur. Plutôt qu’un scandale politique, autant qu’elle disparaisse. Sa peine est donc commuée en bannissement de l’état de l’Arizona. Le plus drôle de l’affaire est qu’il est probable que l’enfant attendu n’était qu’une simulation. Toujours est-il qu’elle rejoint à nouveau la troupe de Buffalo Bill chez qui elle jouera son propre rôle d’outlaw.
Elle s’installe en 1904 à Kansas-City, où elle sera de nouveau arrêtée. Sous la couverture d’un honorable commerce de tabac, elle est soupçonnée de diriger une bande de pickpocket. La charge ne tiendra pas. Il est temps pour elle de songer au repos de la guerrière. Les chroniques des faits divers l’oublient. Le temps passe et près de 40 ans plus tard, il est avéré qu’elle est mariée avec un propriétaire de ranch du Côté de Globe, au sud de Flagstaff. Elle était donc revenue en Arizona ! Elle décédera en 1960 et sera enterrée en toute discrétion, à côté de son mari dans un cimetière de Hayden, une bourgade du coin.
Qui était Pearl Hart ? Et qui peut affirmer avoir connu sa véritable personnalité ? Femme sentimentale, catin rusée, féministe fumant le cigare, hors-la-loi réputée pour avoir réussi la dernière attaque de diligence de l’Ouest, mythomane ou conteuse d'histoire talentueuse ? Peut-être tout cela à la fois ? Quoiqu'il en soit, sûrement une personnalité complexe et attachante et qui plus est, femme d'une rare beauté. Une chose est certaine, passionnée à  un point telle qu'elle ne pouvait concevoir quelque prudence, sa vie aventureuse la fit connaître tout autant pour ses crimes que pour son rejet des mœurs sociales de l'époque.

Nous nous arrêtons fréquemment car la chaleur est difficilement supportable. Même l'air qui envahit tout, à moto, est brulant. On se demande comment les motos tiennent. Le pire est lorsque les énormes camions nous dépassent, bien au delà  de la vitesse règlementée, nous balançant des claques d'air brulant et vicié ! Quand je pense que l'on a commencé notre périple sous des déluges d'eau et que l'on termine par la sècheresse et le soleil de plomb, ce voyage est bien plus qu'une initiation. Il est notamment pour Aimcy, qui montait pour la première fois sur une moto,  un saisissant raccourci sur la vie du motard.
Aldo Leopold, dans « Almanach d'un comté des sables » définit son éthique environnementale par ces mots auxquels je tente de souscrire, jour après jour : « une action est juste, quand elle a pour but de préserver l'intégrité, la stabilité et la beauté de la communauté biotique. Elle est répréhensible quand elle a un autre but. ». En quittant le désert pour nous diriger vers Végas, je me rends compte du reniement exercé. Je file tout droit vers un monde factice où la nature humaine se réduit au consumériste ; absurdité d'une ville dont l'existence repose sur le  gaspillage de l'eau et de l'énergie dans l'irrespect le plus total d'une nature vouée au dénuement. Ineptie mégalomane de le folie humaine qui s'obstine à bâtir sur le superflu et l'aléatoire du jeu et du fictif. Et dire que ces lieux symbolisent le rêve d'une majorité, aux pieds des merveilles naturelles que l'on vient de quitter
Je n'ai pas envie de parler de Vegas. On y rend les motos, et c'est un vrai déchirement. Je suis vanné ! Je n'ai qu'une envie, dormir un peu. L'hôtel est une folie, les gens qui y sont ne m'intéressent pas. D'ailleurs, je ne les intéresse pas non plus. La seule chose qui a quelque importance peur eux est cette vitre où défile, numéros, symboles et couleurs sous une chappe de bruits.

Autant vous laisser là. Je suis dégoûté, et ne veut pas terminer par un autre mot que celui que m'inspirent les parc américains :
grandiose
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19 septembre 2009 6 19 /09 /septembre /2009 20:06
Page : Le barrage hydro-électrique Glenn Canyon Dam fut construit en 1963. Il lui a fallu pas moins de 17 années pour remplir les 96 canyons qu’il noya. Déjà, à l’époque, l’ouvrage était controversé. Aujourd’hui, des milliers d'amateurs de sports nautiques ne se posent guère de questions et profitent des étendues d’eaux paisibles créées par le barrage. Bien d’autres – dont je suis – regrettent ce lac artificiel, car ses eaux ont modifié l'écologie de la région et submergé toutes traces de l’habitat de ses anciens occupants, de probables merveilles géologiques et morphologiques uniques au monde… Je ne peux m’empêcher de penser aux fonds rocheux submergés par les eaux du lac, aux traces des peuples disparus, aux merveilles géologiques englouties. A toutes les vies animales – et peut-être humaines - piégées par la montée des eaux. Au fond du lac, l'ancien lit du Glenn Canyon, mais aussi, sur ses anciennes berges, une histoire de la terre oubliée à jamais. J’ai entendu parler d’un livre qui retrace une des premières descentes de la Glenn River “Voyage avec Ralph Newcomb“. Je ne l’ai jamais trouvé. Même ce passé si récent semble avoir accompagné la mort silencieuse d’un fleuve majestueux et sauvage.


La croisière que nous effectuons sur le lac me fait d’autant plus regretter les barrages. Plein d’images me reviennent en mémoire. Je pense à la force et la puissance graciles des flots qui entraînent Christopher McCandless ou plutôt l’acteur Emile Hirsch, dans le film « Into the Wild » de Sean Penn . Ou encore, à la relation d'une des dernières descentes en eaux vives du Glenn canyon, ici même, qu'en fit Edward Abbey. Et aussi, à celle, plus au nord, du roman « Délivrance » de James Dickey. J’ai moi-même pratiqué cette forme de randonnée, silencieuse et discrète, ponctuée de brusques envolées excitantes. C’était sur l’Agout, un affluent sauvage du Tarn. J’aime l’eau vive. Et quand on l’a apprivoisée, elle réduit alors les lacs à de bien lassantes piscines.


Le Major J
. Wesley Powell, dont je vous parlais avant-hier, traça sur les lits tumultueux de ces rivières englouties, l'une des plus fabuleuses et dangereuses explorations fluviales. Bien que dramatique, cette expérience lui donna un amour de cette région dont son nom malheureusement porte le deuil car immanquablement associé au barrage qui l'a anéanti. Bien triste hommage dont le Major se serait bien passé. Le péché original se perpétue. La destruction aveugle par cupidité du monde sauvage n'est rien d'autre qu'une poursuite aveugle de l'arrachage de la  pomme originelle au sein du paradis naturel qui nous entoure... de moins en moins.
Quand les eaux sont hautes, il est possible d'accoster près du Rainbow Bridge, site sacré des indiens, cathédrale naturelle monumentale, qui, comme les oeuvres religieuses, se désacralise petit à petit devant la horde touristique. “le bridge ne sera guère plus qu'une curiosité géologique isolée, un prolongement de ce diorama de musée auquel l'industrie touristique tend à réduire le monde naturel (Ed. Abbey). Je suis heureux que le Raimbow Bridge ne soit pas sur notre chemin.

Après cette petite croisière dont le moindre intérêt fut d'entretenir une conversation que la réalité du voyage ne nous avait pas laissé l'occasion d'entreprendre, nous reprenons la route.


Tiens donc, nous sommes en retard ! La route puis Big Water. La route puis Kanab


L’origine de son nom est amérindienne et signifie saules en langue Paiute. En fait, nous sommes au petit Hollywood, du moins pour ce qui est du Western. Près d’une centaine de films, et le double de feuilletons télé ont été tournés ici. Les frères Parry (Whitney (Whit), Chauncey (Chaunce) and Gronway (Gron)) ont lancé cette place dans les années 30. John Wayne, Glenn Ford, Frank Sinatra, Charlton Heston ont depuis traîné leurs bottes dans ce patelin ridicule où nous déjeunons. La famille qui tient le  resto nous attend avec une impatience et une mauvaise humeur flagrante. On est, parait-il, en retard ! Mais leur attitude est telle qu'on est à 2 doigts de quitter les lieux. La mise en scène d'un « western » incongru avec indiens, filles de saloon, la cavalerie, le bon, la brute, et le truand, nous plonge dans une partie de rigolade qui fait oublier notre ressentiment. Et comme d'hab, je ne parlerai pas de la nourriture... Peu après Kanab, Moqui cave : une des œuvres les plus pitoyables de la ”civilisation” américaine. Ou comment faire de l’argent avec des répliques d’œuvres naturelles dont la prétendue beauté ne peut en aucun cas rivaliser avec celles qui côtoient  ce lieu kitsch et de mauvais goût. Et encore, on échappe aujourd’hui au pire. Du temps de son « créateur », à la façade de la grotte était adjointe une tête de tricératops en plate, dont la bouche béante faisait office d’entrée ! Strictement aucun intérêt !
 

On est toutefois sur les pas des pionniers,  Mont-Carmel Junction, Orderville, villages ruraux le long de la route qui a conservé quelques aspects de l'époque. Mais la pluie menace ! A Glendale, le plafond des nuages cède. On s'arrête aussitôt pour s'équiper contre la pluie. Mal garés, on se fait insulter par le shérif local d'une amabilité hors normes. Imaginez, un bouseux, doublé d'un flic !
On reprend la route avant qu'il ne sorte le colt.
De là, on monte le long d'un
e large vallée où serpente une belle rivière sans se rendre compte de l'altitude que nous prenons. De vastes collines d'où coulent d'autres cours d'eau cachent l'horizon. Des bisons paissent. La route est parsemée de cadavres de daims ou de chevreuil. La pluie s'avère assez inoffensive. À Hatch, nous tombons sur un bar spécial bikers, associé à un garage Harley Davidson. L'occasion de souffler un peu et d'acheter un bouchon à essence pour Bruno. Pas de chance, le patron n'a pas ce modèle. Il est vrai qu'il est un préparateur plus qu'un garagiste. 2 de ses motos trônent dans la boutique. Nous bavons tous devant elles.

Régine a encore fait des siennes ! Elle a perdu le "pass" qui nous permet d'entrer dans les parcs américains. Bruno s'est résolu du coup à monter sa moto dans le camion de Madjid.

À Long Valley Junction, nous bifurquons vers l'ouest. Les douces et vastes collines prennent du relief se transformant en piémonts couverts d'une épaisse forêt de pins ponderosa. Je songe au contraste saisissant de ces paysages verdoyants et ceux désertiques de notre matinée. Lorsque nous nous engageons dans Red Canyon, nous sommes subjugués par les formes si particulières du relief typique de Bryce. Et nous n'avons encore rien vu ! C'est alors qu'un déluge éclate. Nous filons aussitôt sur l'hôtel. Il pleut si fort que tout le monde se réfugie dans les chambres pour se changer. Je décide de continuer malgré la pluie sur le Canyon. Bruno monte derrière moi. Dominique et Odile nous suivent. La pluie redouble. Du coup, nous ne voyons plus personne, si ce n'est le ranger à l'entrée du parc. A peine la moto garée, la pluie cesse. Le soleil rejaillit. Un, puis deux arc-en-ciel s'illuminent. C'est un véritable miracle qui se déroule sous nos yeux. Une merveille, sublimée par les rayons du soleil couchant qui irisent des milliers de cheminées de fées, dressées devant nous. Selon les croyances des indiens Paiute, ces fins et hauts fuseaux de roches représentaient des personnages légendaires pétrifiés par un coyote !
 

Ce site est si exceptionnel, que le mysticisme est de rigueur. Par son incroyable incongruité, il ne fait pas référence à la nature, qui pourtant nous a donné , ces derniers jours , des preuves de son talent. Les indiens Navajos, naturellement poètes puisque sauvages avaient baptisé ces lieux « le pays de l'arc-en-ciel endormi ». Et il s'est réveillé pour nous ! Les photos ne seraient pas là que je serai persuadé d'avoir rêvé. Je peste contre les géographes américains qui n’ont pas retenu ce nom. Ce nom magique ! C’est, sans doute possible, le meilleur nom que cet endroit puisse porter. Ils ont pourtant préféré l'appeler du nom d'un fermier mormon, Ebenezer Bryce,  qui s'installa en 1875 avec son épouse Mary Anne Park dans ce lieu splendide.

A l’ouest de Bryce, Kodachrome Basin ou Ed Abbey et ses copains « nettoyaient » les sites de prospection en jetant tout ce qu’ils trouvaient en métal dans les puits afin de bloquer le forage « à travers cette merde ».

Le soir, nous choisissons le repas qu'anime un orchestre  country. J'ai encore du boulot avec le blog et je quitte l'immense hall qui sert de restaurant.

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18 septembre 2009 5 18 /09 /septembre /2009 15:52
C'est avec regret que l'on quitte le Grand Canyon. Il mérite mieux que le parcours minuscule que nous lui avons octroyé la veille. La route du sud-est que nous empruntons nous permet de lui adresser d'ultimes adieux. La froidure du matin s'est vite estompée. Nous quittons petit à petit la vaste forêt pour un monde totalement minéral. Collines dénudées frangées de hauts murs acérés donnent l'impression d'une immense caldeira. J'exulte tant je prends de plaisir sur cette route magnifique. La moto passe les côtes sans changer de régime. Peccadilles que ces mouvements de terrain pour la reine de la route. L'air tiède est une caresse et le soleil levant sublime les couleurs des roches. Comme vous pouvez le voir, je suis en pleine exaltation. Le bonheur, à cet instant, ne peut être d'une autre nature.

Arrêt à Caméron, pour faire le plein et rien d'autre. La route est longue, il ne faut pas tarder. De toute façon, la ville est pouilleuse ; des bidonsvilles, de l'herbe brûlée par le soleil et les hommes, des enclos de fortune et des épaves. On s'imagine mal ce que peut être l'existence ici. Mais passée la ville, la nature étale à nouveau sa palette de diversité et de beauté. “Au-delà du mur de la ville irréelle, au-delà des enceintes de sécurité coiffées de fil de fer barbelé et de tessons de bouteille, au-delà des périphériques d’asphalte à huit voies, au-delà des berges bétonnées de nos rivières temporairement barrées et mutilées, au-delà de la peste des mensonges qui empoisonnent l'athmosphère, il est un autre monde qui vous attend. C’est l’antique et authentique monde des déserts, des montagnes, des forêts, des îles, des rivages et des plaines. Allez-y. Vivez-y. Marchez doucement et sans bruit jusqu’en son cœur.“ Ces conseils, Edward Abbey les donne dans « Un fou ordinaire » que publia en France les Editions Galmeister.
Mais si un livre doit être lu avant de plonger au cœur de l’Ouest américain, « Désert Solitaire » du même Edward Abbey que publia Hoëbeke en 1992 me vient immédiatement à l’esprit. Il y en a bien entendu d’autres… De grands auteurs américains ont été inspirés par ce concentré de merveilles géologiques. En fait ils se connaissent tous, du moins ceux de la même génération, nés au XXe siècle. Jim Harrison est un compagnon de chasse de Doug Peacock. Peter Matthiessen est un de leurs amis. William Eastlake est un vieux copain d’Edward Abbey. Ce dernier est le père spirituel de Doug Peacock. C’est d’ailleurs Doug qui entreprendra l’ultime expédition dans le désert d’Ed… afin d’y ensevelir sa dépouille. Ce qui fait la force de « Désert Solitaire » c’est qu’il ne s’agit pas seulement d’un cantique à la beauté majestueuse de ces immensités. Il procure un sentiment de culpabilité et comme dit Peacock, il émane de l’œuvre un véritable « un appel aux armes ». Parlant de leur amitié, Doug affirme « Nous partagions la même passion pour la vie sauvage, et nous haïssions tout ce qui pouvait la détruire. »
Abbey est surtout connu pour « le gang de la clef à molette » dont l’action se passe ici. Doug Peacock a servi de modèle pour le héros du « gang de la clef à molette », le merveilleux George Washington Hayduke. L’origine du « terrorisme écologique » est à chercher dans ce roman, pas autant imaginé qu’il n’y paraît. La lecture des récits de Doug Pecock montre que la lutte contre les puits de forage, les fonderies, les mines à ciel ouvert, les barrages, les opérations de terrassement et de déboisage, étaient sinon habituelles chez les deux compères, du moins désirés, projetés et souvent réalisés. Le F.B.I. rechercha d’ailleurs à les saisir la main au collet. Il est aujourd’hui reconnu que le mouvement radical « Earth first ! » s’est inspiré de cet ouvrage ainsi que de Silent Spring, de Rachel Carson,  et des idées d'Aldo Leopold, En fait, si le mouvement écologique moderne est né des œuvres de Thoreau, Carson, Leopold et Muir, la feuille de route a été dictée par Ed Abbey, Doug Peacock, Rob Schultheis , Peter Matthiessen, Jim Harrison et tous les autres « nature writers ». Je préfère ce terme a ceux de « déçus de la société, d’anarchistes (quoique…), de doux sauvages, d’écrivains terroristes» et d’autres encore, entendus ou lus dans des critiques oubliant le message que porte l’œuvre, accusant la victime plutôt que le coupable, refusant à la littérature, l’expression d’opinions.
Que ceux-là continuent d'accompagner les multinationales sur l'ignoble chemin de la dévastation.
Tuba City, Red Lake, Tonalea, Cow Springs, Tsegi, puis un peu avant Kayenta, des travaux nous bloquent sur la route. L'attente se faisant longue, on discute avec les automobilistes qui nous suivent, attirés sans doute par nos conversations en français. L'arrêt se prolongeant, on plombe une fois de plus le planning ! Qu'importe !
Lorsqu'on ouvre enfin la route, nous atteignons Monument Valley en quelques tours de roue. Et à peine garées, nous embarquons sur un 4X4 conduit par un navajo prénommé – ou plutôt surnommé Oh lalalala ( 4 fois, s'il vous plait, le la). Royaume de roches, de sables et de cailloux, on a quelque mal à imaginer qu'une vie intense a pu s'y établir. Pourtant, des caverne-men; comme on dit ici, semblent y avoir prospéré. Bien plus tard, les indiens anasazis, battirent des villages dont il subsiste quelques ruines, des escaliers dans les falaises et des centaines de pétroglyphes.  Ils disparurent, on ne sait pas vraiment pourquoi, remplacés toutefois par d'autres peuples, d'autres cultures ; les Utes, les Païutes et enfin les Navajos qui exploitent aujourd'hui le site.

Le terme monument, qui désigne en français une construction ou un édifice, acquiert une portée beaucoup plus vaste en américain. En donnant à des phénomènes géologiques le nom de monument, les américains attribuent aux phénomènes naturels le génie de la création. Ils rendent ainsi un vibrant hommage à la Nature, ce qui n’est pas commun de la part d'un peuple aussi matérialiste. Si quelques curiosités géologiques sont de la main de l'homme, tel que le « Hole in the rock » que percèrent les Mormons à travers un versant latéral au Colorado, à la dynamite et au piolet s'il vous plait, la plupart sont des sculptures magistrales de la nature. Monument Valley ou Natural bridges National Monument, Pipe Spring National Monument, Zion National Monument et certainement d’autres…
L’écricain Zane Grey a écrit ce portrait de Monument Valley “a strange world of colossal shafts and buttes of rock, magnificently sculptored, standing isolated and aloof, dark, weird, lonely.” Que j’ose me permettre de traduire pour ma part par « Monde étrange de monolithes colossaux, de pitons rocheux, sculptures magnifiques demeurant, ignorées, à l’horizon, sombres étranges et isolées ». Je suis assez fier de moi. J’imagine quand même l’effroi de traducteurs professionnels !
Mais de tous les écrivains, celui qui écrivit les mots qui décrivent le mieux l'impression qu’exultent de tels paysages est Conrad « et cette immobilité de toutes choses n'était rien moins que paisible. C'était l'immobilité d'une force implacable couvant on ne sait quel insondable dessein. Elle vous contemplait d'un air plein de ressentiment. » (Au cœur des ténèbres).
Notre 4X4 nous dépose au pied d'un mur vertigineux aux reflets ensanglantés. BBQ indien, apprécié car enfin il m'est possible d'attaquer le steak autrement qu'à la hache. Fabienne, qui est alsacienne et ne recrache jamais le vin, tourne et tourne la manette des bidons de boissons.
- Non, Fabienne, ce n'est pas un tonneau, il suffit de la tirer devant soi !
Le film “la Chevauchée fantastique” (Stagecoach) que réalisa John Ford a rendu célèbre – outre John Wayne et John Ford lui-même– le parc de Monument Valley. Car qui ne connaît aujourd’hui, sinon de nom, du moins la forme de ces étranges formations de grès souvent flamboyantes car régulièrement photographiées à l’aurore ou au crépuscule ? Elles ont pour nom, West et East Mitten Buttes, Stagecoach, les dunes près de Sand Springs, Comb Ridge, l’Ours et le Lapin, l'éléphant, Castle Butte, le Grand Indien, Totem Pole et Yei Bi Chai. Cela ne vous dit peut-être rien, pourtant vous les reconnaîtriez si je vous en montrais quelques vues. Vous, comme quiconque d’un continent à l’autre. Si connues que cette vaste plaine enjambant la frontière de l'Arizona du nord-est et de l'Utah du sud est devenue l’un des plus forts symboles de tous les Etats-Unis.
Cette gloire des uns – les hommes du cinéma - et des autres – le parc lui-même - est redevable à un homme resté malgré tout dans l’ombre. Il se nommait Harry Goulding. Pionnier du far-west, vivant dans ces lieux, il était malgré l’éloignement du monde moderne ,passionné par le cinéma et contrarié par les décors des studios hollywoodiens utilisés dans les années 30. On ne peut qu’admettre la justesse de sa réflexion lorsqu’on visionne les scènes de ces vieux westerns du cinéma muet. Il s’agissait alors ni plus ni moins de séries tournées à la chaîne sans autre volonté que de constituer le plus rapidement possible des produits de divertissement à bas prix. Goulding devait être aussi désappointé à ce spectacle que nous le sommes aujourd’hui à la vision d’un film avec William Hart ou Tom Mix. Les paysages de l’environnement quotidien de Goulding portaient naturellement un réalisme, une beauté et une grandeur qu’il ne retrouvait pas dans les lieux même où vécurent indiens et cow-boys. Il était déjà persuadé que toute cette magnificence ne pourrait que rejaillir sur le film qui en utiliserait les décors. Et comme en Amérique, rien n’est impossible (y compris le pire), il alla frapper à la porte de John Ford. Celui-ci fut immédiatement conquis et, emballé, mis en chantier le film qui allait transformer les films de cow-boys en véritables chefs d’œuvres artistiques. Outre Ford et Wayne, le mythe du western est donc directement lié à Harry Goulding.

Goulding était né à la fin du XIXe siècle à Durango dans une famille propriétaire d’un ranch. Il fut sans doute élevé à la dure, accompagnant le troupeau de plus 20 000 têtes de bétail sur de vastes distances entre le Nouveau Mexique et le Colorado. Il fut cependant vite tenté par la prospection minière, ce qui resta d’ailleurs son activité première comme en témoignent des photos prises pour le magazine Life dans les années 50. Il est représenté, au fond d’une combe, tenant un compteur Geiger à la main, analysant avec un compagnon navajo un bloc de pierre. Il embrassa cette profession à son retour de France où il participa à la première guerre Mondiale. Peu de temps plus tard, il parcourait Monument Valley. Il s’y installa avec sa femme Léone, que l’on surnommait Mike, vivant dans une tente  pendant la construction d’un comptoir commercial en pierre, celui qu’occupe aujourd’hui le musée de Monument Valley.
La légende raconte qu’il était aidé d’un trappeur nommé Bert Davis dont la caractéristique essentielle était de puer autant qu’un coyote. Quelques années passèrent durant lesquelles le couple Goulding réalisa du commerce avec les navajos et éleva des moutons. Puis la grande dépression survint, accompagnée par des turbulences météorologiques, notamment les grandes sécheresses de 1934 et 1936. Les époux se retrouvèrent sur la paille, particulièrement clairsemée ! L’aridité qui s’en suivit fut une désolation beaucoup plus dramatique pour les tribus avoisinantes.
Le moment était venu pour Harry Goulding d’entamer l’expédition la plus incertaine de sa vie, mais aussi celle qui allait la changer définitivement, la conquête d’Hollywood. Il fit appel dans cette entreprise à Josef Muench, un photographe qu’il avait guidé en 1935 dans plus de 300 courses au cœur de Monument Valley. Muench accepta, en fournissant un album de ses 10 plus belles photographies des lieux. La passion et la conviction de l’un, les oeuvres de l’autre allaient changer l’histoire du cinéma
En fait Goulding est sans doute le plus improbable collaborateur d’Hollywood que l’on puisse imaginer. Mais tous ceux qui l’ont connu reconnaissent son esprit d’entreprise, son pouvoir de persuasion et ses talents intuitifs. Il était tout aussi à l’aise sous le hogan d’un navajo qu’accoudé au bar en compagnie d’un « outlaw » ou en galante compagnie lors d’une soirée mondaine à Hollywood. Il faut sans doute voir Goulding comme l’archétype même du pionnier américain, tout autant aventurier que promoteur. Et même si, on peut regretter cette propension à ne discerner que l’équivalent sonnant et trébuchant en toute chose, y compris dans les plus belles représentations de la Nature, il serait injuste d’oublier Harry Goulding.
Harry Goulding - à gauche - testant de la roche au compteur Geiger en mai 1951

- En route, ma poule !
- En voiture simone !
Notre ami Oh lalalala nous ramène au parking du parc, nous gratifiant de toutes les expressions françaises qu'il connait.

Petit hommage aux Navajos qui nous ont si bien accueillis,
je détourne une autre vignette de Jijé. Aimcy est plus à son avantage que moi !
Après quelques achats de nos intenables épouses dans l'inévitable centre touristique du parc, nous reprenons la route qui nous avait amenés à Monument Valley.

  • Premier arrêt pour faire une photo du groupe devant ce lieu surréaliste.
  • Deuxième arrêt pour faire le plein d'essence. Si, si, Régine s'y distingue, comme à son habitude, en oubliant son portefeuille dans les toilettes...
  • Troisième arrêt avant la zone en travaux et nouvelle suée.
  • Quatrième arrêt lorsque Bruno perd son bouchon d'essence ! Quand c'est pas Madame... c'est Monsieur qui fait la c....... Quel talent ! Bruno est heureusement bricoleur – souvenez-vous, la radio – un bout de chiffon et le tour est joué. On peut enfin repartir. Les autres ne se sont pas arrêtés mais ils vont fatalement ralentir.
  • Cinquième arrêt, l'autre partie du groupe, ne nous voyant plus, s'est arrêtée sur le bord de la route et du coup, un flic est venu voir ce qui se mijotait...
A cette allure, on n'est pas prêt d'arriver, mais on se marre bien. De là, pas d'autre aventure sur le dernier tronçon de route qui nous mène à Page, dans un splendide hôtel qui domine le lac Powell.
Page est une  ville artificielle, née lors de la construction du barrage, cette abomination humaine qui créa le lac Powell, visible depuis l’espace, certes, mais qui a noyé le plus beau canyon des USA, Glenn Canyon. Les premiers à s'aventurer dans ces lieux tenus par les indiens furent sans doute quelques espagnols. Je ne sais pas. Plus tard, vinrent les trappeurs. On connaît le nom de certains d'entre eux, les américains sachant parfaitement utiliser le moindre on-dit de la populace, la moindre historiette immortalisée par un journal local pour tisser les mailles d'une histoire pour série télé plus que pour universitaire. D'ailleurs n'est-ce pas dans les drugstores que s'affichent ces prétendus portraits de héros locaux, Robidoux, Jim Briger, Jérémiah Smith, les premiers découvreurs du Glenn Canyon.
Page n’a vraiment aucun intérêt si ce n’est d’être au cœur d’un des plus extraordinaires sites de la Terre… Le grand circle

Partout, enseignes lumineuses, piscines éclairées, de l'eau aux fontaines, un golf étalant son tapis d'herbes fines. Cette gabegie ne va-t-elle pas tout détruire ? Le défi que posent les grands parcs américains est d'éclairer efficacement le problème de la préservation de la nature agressée par le tourisme. La société humaine devra bien un jour ou l'autre le traiter à l'échelle de la planète « trancher entre l'aménagement et la protection » comme dit si bien Abbey.

Quoi qu'il en soit, l'hôtel est magnifique, et les chambres aussi. Ce soir, Serge nous délivrera son commentaire du jour, plein de sagesse et de pertinence « enfin une douche où tu peux te laver les pieds sans te mouiller la tête ».



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17 septembre 2009 4 17 /09 /septembre /2009 05:36
Nuit impossible dans une chambre ridicule. Les américains critiquent l'hôtellerie française sans visiblement connaître l'hôtel pourtant mythique de Monte Vista. Le programme annonçait - rétrospectivement, avec humour - cette ville de l’ouest américain a la particularité d’être coupée en 2 par la voie de chemin de fer qui traverse les Etats-Unis. A Flagstaff, le train siffle plus que trois fois… sans préciser par... minutes, de jour comme de nuit. Au petit matin, nous sommes crevés.

En quittant Flagstaff par la 40 en direction de l’ouest, on arrive à Bellemont où se trouve le site Pines Breeze Inn, où fut tournée une scène du film  "Easy Rider". Nous quittons la ville par la 180 et quittons par conséquent la 66. Nous grimpons aussitôt, traversant une forêt de pins et de bouleaux. La route serpente et je vois bien des phares de motos qui suivent. Lorsque Madjid s'arrête pour une séance photos, 3 Harley nous dépassent, nous laissant pantois ! Ce n'étaient pas les nôtres qui nous suivaient... Pas grave, suffit d'attendre. Les revoilà et en avant !
Jacques, chasseur, a l'œil exercé et tend le bras pour montrer aux néophytes que nous sommes, biches et cerfs. La route est magnifique. On se croirait presque en Suisse. Lorsque nous atteignons les hauts plateaux, les arbres disparaissent et laissent place à de l'herbe rase.
Et sinon, toujours le soleil… « …pas un brin d’herbe à l’horizon , des étendues de terres stériles, crayeuses, parfois légèrement veinées d’ocre pale, qui procurent un profond sentiment d’absolu, sous le soleil souverain, éblouissant » écrivait F. J. Temple en 1993 (dans « beaucoup de jours » aux éditions Actes Sud). Peu avant Vallé, nous nous arrêtons auprès d'un indian traiding.
Quelques instants pour acheter les souvenirs, faire des photos évidemment et Bruno qui répare sa radio... une clef anglaise de 5 kilos à la main !

Nous pénétrons à nouveau en Arizona. Cet état est surnommé par ses habitants, “Land of Room Enough and Time Enough” sans doute depuis l'œuvre éponyme de Richard E. Klinck. J’aime bien cette phraséologie courte et concise. La langue française ne peut pas s’aligner. J’ai beau tourner la phrase dans tous les sens, je ne vois pas comment la traduire autrement (et grâce à une amie, prof d’anglais) qu’ainsi « pays où il y a de la place pour tout le monde et où on a le temps de faire ce qu'on veut faire ». La lourdeur française est contraire à l’esprit même du sens !
Quoiqu’il en soit, la maxime fait long feu. Pour preuve, les difficultés que rencontrent les navajos sur leur territoire. Ils étaient moins de 10 000 quand la réserve de Monument Valley leur fut octroyée. Aujourd’hui, ils sont 10 fois plus. Les possibilités pastorales des terres ne leur permettent pas d’élever des troupeaux suffisamment conséquents pour assurer l’indépendance de cette communauté. Alors que faire, sinon attendre les subsides des aides gouvernementales. Du coup, a-t-on effectivement le temps de faire ce qu’on veut ? Ne serait pas plutôt ce qu’on peut ?
L’alternative qu’ont choisi les Hualapaï, dont la réserve est au nord de Peach Spring, un peu plus à l’ouest d’où nous sommes est le tourisme de masse. Cette tribu s’était déjà fait remarquer avec le « Skywalk », passerelle en verre s’avançant dans le vide au dessus du Grand Canyon. Aujourd’hui, ils projettent une autoroute, un musée, un hôtel et un club VIP… L’endroit va bientôt singer les parcs Disney, au grand dam des Peacock, Abbey et consorts dont je suis. Du coup la phrase “Land of Room Enough and Time Enough” s’avère beaucoup plus fondée ! Richard E. Klinck, son auteur, était un peu l’équivalent de nos feuilletonistes du XIXe et du début du XXe. Je me demande même si certains auteurs comme Albert Bonneau, Gustave Aimard ou Louis Boussenard (que de souvenirs de jeunesse !), ne se sont pas inspirés de cette littérature western, en oubliant d’ailleurs qu’elle répondait à la pensée transcendantaliste, largement ignorée en France. C’est peut-être pour cette raison qu’on ne publie plus ces auteurs. Il est vrai que le western, en littérature comme au cinéma, tend à disparaître, ou tout au moins à se transformer. Il devient plus respectueux de la nature. Même si l’individualisme forcené est toujours présent, il s’agit maintenant de lutter contre la société de consommation, les multinationales qui l’imposent inlassablement et non contre les« outlaws » ou les « peaux-rouges ». Les auteurs modernes, Jim Harrison, Edward Abbey, Rick Bass, O’ Brian, ne sont sans doute pas étrangers à cette évolution. Et les cow-boys ont disparu. Du moins, les vrais, les professionnels. Ceux que nous croisons n’en sont pas. Ils y jouent, dans ce parc, mot plus approprié car c’est ainsi qu’ils considèrent cette réserve d’une nature sauvage de plus en plus menacée, notamment par les motards que nous sommes. Rouler dans tous les sens au cœur d’un vaste parc de loisir car le temps nous est compté alors même que la nature des lieux inspire l’éternité. Nous ne sommes que des consommateurs de cartes postales. Ou, pour reprendre l’expression dEd. Abbey, des «explorateurs en chaise roulante ». Ce n’est pas plus épique que les touristes du cru qui ne peuvent envisager la visite d’un endroit s'ils ne peuvent l’atteindre en 4X4, le « bronco » moderne du cow-boy d’aujourd’hui. Les autorités de gestion des parcs eux-mêmes l’ont pris en considération, transformant les pistes en route, établissant des centres commerciaux de souvenirs, aménageant les points d’eaux en camping…
Doug Peacock avait raison !
Si un livre doit être lu avant de plonger au cœur de l’Ouest américain, « Désert Solitaire » d’ Edward Abbey que publia Hoëbeke en 1992 me vient immédiatement à l’esprit. Il y en a bien entendu d’autres… De grands auteurs américains ont été inspirés par ce concentré de merveilles géologiques. En fait, ils se connaissent tous, du moins ceux de la même génération, nés au XXe siècle. Jim Harrison est un compagnon de chasse de Doug Peacock. Peter Matthiessen est un de leurs amis. William Eastlake est un vieux copain d’Edward Abbey. Ce dernier est le père spirituel de Doug Peacock. C’est d’ailleurs Doug qui entreprendra l’ultime expédition dans le désert d’Ed… afin d’y ensevelir sa dépouille.
Ce qui fait la force de « Désert Solitaire » c’est qu’il ne s’agit pas seulement d’un cantique à la beauté majestueuse de ces immensités. Il procure un sentiment de culpabilité et comme dit Peacock, il émane de l’œuvre un véritable « appel aux armes ». Parlant de leur amitié, Doug affirme « Nous partagions la même passion pour la vie sauvage, et nous haïssions tout ce qui pouvait la détruire. »
Abbey est surtout connu pour « le gang de la clef à molette » dont l’action se passe ici. Doug Peacock a servi de modèle pour le merveilleux héros de ce roman George Washington Hayduke. L’origine du « terrorisme écologique » est à chercher dans ce roman, pas autant imaginé qu’il n’y parait. La lecture des récits de Doug Pecock montre que la lutte contre les puits de forage, les fonderies, les mines à ciel ouvert, les barrages, les opérations de terrassement et de déboisage, était sinon habituelle chez les deux compères, du moins désirée projetée et souvent réalisée. Le F.B.I. rechercha d’ailleurs à les saisir la main au collet. Il est aujourd’hui reconnu que le mouvement radical « Earth first ! » s’est inspiré de cet ouvrage tout autant que de « Silent Spring », de Rachel Carson,  et des idées d'Aldo Leopold, En fait, si le mouvement écologique moderne est né des œuvres de Thoreau, Carson, Leopold et Muir, la feuille de route a été dictée par Ed Abbey, Doug Peacock, Rob Schultheis, Peter Matthiessen, Jim Harrison et tous les autres « nature writers ». Un terme que je préfère à ceux de « déçus de la société, d’anarchistes (quoique…), de doux sauvages, d’écrivains terroristes» et d’autres encore, entendus ou lus dans des critiques oubliant le message que porte l’œuvre, accusant la victime plutôt que le coupable, refusant à la littérature, l’expression d’opinions.
Que ceux-là aillent se faire foutre avec les   multinationales…
Nous arrivons au Grand Canyon et, de suite, direction l'aéroport. Nous avons en effet décidé de nous offrir le survol de ce lieu magique. Pas très en accord avec ce que je viens de dire. Mais puisqu'ils sont là, alors pourquoi pas. Et nous ne le regrettons pas !

C'est vraiment une expérience magique lorsque l'appareil franchit la ligne de crêtes offrant le vertige d'un à-pic de 1000 mètres. En fait de canyon, il s'agit d'une blessure béante et déchiquetée de milliers de canyons. Les immenses parois de grès et de calcaire surplombent de près de 1.000 m la rivière Colorado qui serpente au fond de cette titanesque plaie. Un aigle passe devant l'appareil. Est-il venu signifier sa désapprobation pour l'outrage que nous représentons ?

Le Colorado tire son nom de l’espagnol « coloré en rouge » que lui attribua le conquistador espagnol Hernando de Alarcón, qui remonta le fleuve sur plus de 160 km en 1540-1541. Cet explorateur, le premier à parcourir l’ouest des Etats-Unis le baptisa ainsi en raison de la couleur que donnent à l'eau les sédiments rouges qu'il charrie.
Mais sautons quelques décennies. Nous sommes en 1869. Dix hommes embarquaient sur quatre bateaux afin d'entreprendre une expédition particulièrement dangereuse sur plus de 1500 kilomètres au coeur des canyons inexplorés du Colorado. Trois mois plus tard, seulement cinq d’entre eux émergeraient des profondeurs du Grand Canyon. Leur chef, John Wesley Powell, âgé seulement de trente-cinq ans, était un héros de la guerre civile et un scientifique. Dès sa prime jeunesse, Powell avait manifesté un intérêt profond pour la nature sous toutes ses formes ; les phénomènes naturels, la botanique, la zoologie et la géologie. Original, passionné et d’une volonté inflexible, il était autodidacte et avait le génie de l’expérience du terrain, passant son temps aux collectes, aux observations et aux voyages. dès son adolescence, il se lance dans des expéditions, traversant le Wisconsin, l’Illinois, l’Iowa, escaladant l’Iron Mountain collectant les coquillages, les minéraux, les fossiles et toutes sortes d’objets d'histoire naturelle. Il affirmait avoir descendu le Mississippi, seul sur une barque en 1856 des Chutes de Saint-Antoine à son embouchure. L’année suivante il s’attaque au Fleuve Ohio, navigant de Pittsburgh à la mer. En 1858, il «fait» le fleuve Illinois. Pas étonnant qu’il acquiert alors une certaine notoriété dans le milieu scientifique qui, tout naturellement, le fera élire en 1859 à la Société d'Histoire naturelle d'Illinois.
En 1860, éclate la guerre civile. Powell est enrôlé dans la 20e compagnie des volontaires de l’Illinois avec le grade de lieutenant. Il prend part à la bataille de Shiloh. Gravement blessé devant Pittsburgh, il y perd son bras droit. Il retournera au combat manchot et combattra à Champion Hill puis Black River Bridge. Sa femme Emma le suit, car elle assure les soins dont il a toujours besoin. Après le siège de Vicksburg, il subit une seconde intervention, tant son moignon le fait souffrir. Plus tard, il est nommé major et chef d’artillerie, prenant part aux batailles d’Atlanta et de Franklin. A la fin des hostilités, il accepte un poste de professeur de géologie et de conservateur du musée de l’Illinois. Sans avoir été bachelier, il reçoit le titre de docteur des universités d’Harvard et d’Heidelberg en Allemagne grâce à la qualité de ses publications et de ses conférences. C’est vers cette époque qu’il songe à l’exploration du Colorado.
Le 24 mai 1869 Powell et neuf hommes qu'il a recrutés poussent leurs embarcations sur l’eau de la Green River.  Les quelques badauds qui assistent à cet embarquement sont persuadés de ne jamais revoir ces dix hommes. Outre Powell, l’expédition incluait son frère Walter et un groupe de trappeurs chevronnés que Powell avait recrutés au Wyoming : Oramel Howland, un trappeur, doué pour la chasse et qui devait assurer le ravitaillement de l’expédition. Seneca Howland, frère d’Oramel et trappeur également. Bill Dunn, un autre trappeur. Bill Hawkins, un trappeur assigné aux cuisines. Jack Sumner, un trappeur. Frank Goodman, un aventurier anglais, expérimenté au maniement des canots. Andy Hall, un jeune homme de 18 ans dont les dons de rameur avaient impressionné Powell. George Bradley, un soldat du fort Bridger qui avait accepté d'accompagner Powell en contrepartie d’une libération de son engagement dans l'armée des Etats-Unis.

Clem Powell en pleine lecture sur la rive du Cataract Canyon
L’expédition venait à peine de commencer que les problèmes surgissaient. L’expédition devait rapidement perdre une embarcation de transport dans des rapides que Powell nomma avec à propos, « Disaster Falls ». La plupart des provisions de bouche et du matériel scientifique tels que les baromètres furent perdus en quelques instants. L’une des tâches de la mission, cartographier le trajet, tombait (littéralement) à l’eau ! Moins d'un mois plus tard, l’un des dix, l’anglais Franck Goodman, s'approche de Powell et lui dit :
- j'ai eu plus d’émotions qu'un homme peut subir en une vie. Je vous quitte !".
Il avait sans doute pensé avoir épuisé sa dose de chance. L’abandon – ou l’excès de prudence - de cet homme n’allait pas le sauver. Il disparaîtra à jamais dans le dédale de ces canyons. Peu après, la Green River se jette dans le Colorado. Powell n’avait pas prévu le franchissement d’autant de rapides, de goulets et de roches traîtresses au sein du lit du fleuve. En fait, il s’agissait d’une succession d’épreuves et de dangers qui exténuaient les hommes, tant physiquement que moralement. Par précaution, se rendant compte que l’expédition pouvait purement disparaître dans les flots tumultueux, Powell décide de redoubler de prudence en assurant une reconnaissance et parfois un portage le long des rives, parfois même à flanc de falaise. Cela ne rassure pas les hommes. Un soir, après une journée exténuante et dangereuse, les frères Howland et Bill Dunn viennent trouver Powell.
Si nous poursuivons ainsi, nous mourrons tous »
Et ils tentent de dissuader le Major de poursuivre l’expédition. Powell, inflexible, refuse. Les trois hommes décident donc de quitter l’expédition le lendemain matin. Le lieu de cette séparation a été baptisé « Séparation Canyon ». Au petit matin, les trois hommes gravissent le canyon et disparaissent sur le plateau. Powell, avant de quitter le camp avait laissé une barque sur la rive au cas où ils auraient changé d’avis. Il n’en fut rien. Un groupe d’indiens Shivwits poursuivant des mineurs coupables du meurtre d’une femme Hualapai, les tuèrent par méprise.
Powell et les 5 hommes restants continuèrent leur dangereuse navigation et notamment le franchissement des deux derniers importants rapides.
Deux jours plus tard le 29 août, Powell et ses hommes atteignaient le confluant de la Virgin River et du Colorado (aujourd’hui submergé par le Lac). Ils y rencontraient des colons pêchant sur la rivière. C’étaient les premiers hommes qu’ils rencontraient depuis trois mois.
  
Quand leur retour fut connu, tout le monde salua l’exploit qu’ils avaient réalisé d’autant que peu les croyaient encore vivants. Powell devint un héros national.
Il prit le poste de directeur des Etudes géologiques américaines que Clarence King venait d’abandonner. Malgré les dangers encourus, l’écoulement des années sur son corps meurtri et les défis à la chance, Powell ne considérait pas les objectifs de sa mission acquis. Réalisant un circuit de conférence, il put lever des fonds pour une seconde expédition qu’exigeait sa détermination à dresser une cartographie complète. Elle eut lieu en 1871. Il en rapporta des cartes précises et de nombreuses données scientifiques. Il est vrai que les membres étaient plus des scientifiques que les précédents. Outre Powell, le groupe était composé de son beau frère et second, Almon Harris Thompson, surnommé le professeur, du géologue John F. Stewart, du cartographe S.V. Jones, de deux militaires, les capitaines Bishop et Dodds et des photographes Fred Dallambough et James Fennesmore grâce à qui nous pouvons voir ce qu’était une partie des canyons aujourd’hui engloutis. .


Quatre missions officielles d’exploration de l’Ouest américain furent entreprises entre 1867 et 18791 conduites, respectivement, par Clarence King, George M. Wheeler, Ferdinand V. Hayden et John W. Powell évidement.

En 1875 Powell publiait le récit de ses deux expéditions sous le titre de “the Exploration of the Colorado River of the West and Its Tributaries”, remanié et réimprimé in 1895 sous le titre de “The Exploration of the Colorado River and Its Canyons”.

Powell devait mourir d’une hémorragie cérébrale dans sa maison d'été de Haven dans le Maine le 23 septembre 1902. Sa femme Emma Dean, qu’il avait épousée en 1862 et leur seul enfant, Mary Dean, lui ont survécu. Powell a été enterré dans le Cimetière national d’Arlington réservé au héros de guerre ?
Music Temple - a side ravine in Glen Canyon. Aujourd’hui au fond des eaux du lac Powell, cet endroit avait servi d’abri aux membres de la première expédition les 2 et 3 août 1869. Ceux de la seconde expédition trouvèrent gravées sur la roche les initiales des membres Dunn et Howland qui refusèrent de suivre Powell et tombèrent sous les flèches indiennes).
Colorado River, Glen Canyon, Sentinel Rock. Mouth of Sentinel Creek, between the Crossing of the Fathers and the Paria, right bank
Au retour, après l'achat du DVD du vol, nous filons nous restaurer. Il est déjà 14H30... Puis partons à la découverte du Grand Canyon du sol. La circulation est réservée aux autobus du parc. Pas de moto pour cette fin de journée. Du coup, nous nous noyons dans un flot immense de touristes de toutes nationalités qui attend patiemment l'arrivée d'un bus, puis d'un autre. Le troisième sera le bon... Nous descendons presque au terminus et remontons la crête sur 2 ou 3 kilomètres avant que le soleil ne se couche.  Mesas, dômes, éperons ciselés dominent des abîmes où la roche joue avec des couches sédimentaires multicolores auxquelles le soleil couchant délivre des nuances variées suivant l'exposition. Gigantesque journal froissé de roches désertiques, la civilisation est malgré tout omniprésente par l'incessante rumeur qui perdure au delà des zones touristiques.
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Il est probable que, pour entendre enfin le silence naturel sans fracas humain, il soit nécessaire de descendre au fond du canyon. Cela nous est impossible. . Il parait qu’il est fréquent de rencontrer des « skunk », ces moufettes ou putois blanc et noir qui était un personnage de choix des « cartoonists » américains. Nous ne verrons QUE des biches et des cerfs...

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Mais pourquoi ai-je ces a priori négatifs ? Pourquoi ne pas positiver ? Pourquoi perdre ce regard romantique qu’avait si bien Thomas Moran ?
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Allez, il est encore plus de minuit. Dodo ! Et à demain, si je trouve un Wifi à portée..

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16 septembre 2009 3 16 /09 /septembre /2009 09:06

Ce matin, toute l'équipée a décidé de passer chez le concessionnaire Harley d'Albuquerque. Il est possible que ma nouvelle tenue HD ait eu quelques effets... Nous quittons toutefois Santa Fé par la route Turquoise, à flanc de collines où se cachent nombre de pueblos et notamment le Santo Domingo Peblo, puis plus loin, le San Félipe pueblo et surtout des villages de mineurs qui subsistent encore, entretenus par nombre d'artistes du coin. La route est magnifique. Les photos ne donnent absolument pas idée de la beauté des paysages. Le bitume serpente entre les collines, un ravissement pour les pilotes.


A Corrales, on peut y trouver la maison de Steve Baer, qui fut l’une des premières à avoir été construite avec la recherche d’une indépendance énergétique. C’était dans les années 70... Que de temps perdu ! Mais la plus belle surprise est à Madrid... A vous de voir.

Un vrai et typique village de l'Ouest.

Et pour rappeler ses origines, il a conservé les symboles de son activité passée

En fait ce qui  a changé entre ça

et ça


c'est la nature du Bronco... Celui du facteur d'aujourd'ui est un 4X4.

Avez-vous noté la boite du siècle passé... Regardez-bien

Nous reprenons la route turquoise qui rejoint l'interstate 25 dans les faubourgs d’Albuquerque. Un petit mot sur cette vieille ville espagnole. Albuquerque fut fondée en 1706 par Don Francisco Cuerco Valdes. C’était alors un poste colonial espagnol qui contrôlait un territoire occupé par les pueblos, un peuple descendant des Anasazis, qui y ont laissé de nombreux pétroglyphes.

Petit à petit, une communauté rurale s’est formée autour d’un poste militaire stratégique le long du Camino Real. Albuquerque a conservé le plan traditionnel des villages espagnols, à savoir la plaza centrale que domine l’inévitable église et que ceinturent les bâtiments administratifs et les maisons de notables. Cette plaza centrale a été préservée et est aujourd'hui le centre commercial, historique et culturel de la ville. Du côté indien, il ne reste rien. Il existe une photo de 1912 qui prouve que la ville possédait encore alors une enclave indienne. Ce n’est plus le cas aujourd’hui.

C’est ici que fut réalisé le premier logiciel de Bill Gates. A l’époque, nous sommes au printemps 1975, sa société était fondée dans un motel sur les berges du Rio Grande. Cela ne m’émeut pas. Par contre, je sais que Jean-Marie Gustave Le Clezio vit une partie de l’année par ici. Cela a beaucoup plus d’importance pour moi. Sur ce que j’ai vu hier, Albuquerque est plus vrai que Santa Fe. En tout cas, on n’a pas l’impression d’y être des pigeons prêts à passer à la casserole du capitalisme sauvage.

Après s'être lâché chez Harley Davidson, arrêt Route 66 Dinner, installée dans une ancienne station Philips 66 des années 1940, tout en fluo et teintes pastels où domine le rose. Les jeunes filles graciles aux jupes bouffantes ne font plus partie du décor. Elles sont aujour'hui boudinées dans des lewis. Bruno veut faire des photos mais Régine a laissé l'appareil dans le coffre de la Harley. Bruno se  lève... mais a-t-il les clés ? Régine fouille dans son sac et trouve l'appareil photo. Aujourd'hui, elle peut en faire quelques unes comme ça, elle n'a toujours pas payé l'essence d'un autre...

Madjid a bien fait une bourde aussi, mais bon chut...

En quittant Albuquerque, nous n'avons pas le temps de bifurquer vers Paraje. pour aller au Pueblo Acoma qui conteste à Oraibi le titre de plus vieille ville continuellement habitée des Etats-Unis. Un rocher spectaculaire domine la plaine. C’est un lieu sacré pour les indiens.

Pajarito ; Quelques pans de la 66 longe la 85 qui descend au sud vers Tucson. Jack Kerouac raconte dans « sur la route » qu’il y a dormi, dans la vieille Hudson de Dean avec Marylou et le gamin qu’ils avaient ramassé à El Paso. Quand il se réveilla au petit matin, la vitre embuée l’empêchait de voir quoi que ce soit, tous étaient endormis. Il sortit et raconte « on était dans les montagnes ; il y avait une merveille de soleil levant, des fraîcheurs mauves, des pentes rougeoyantes, l’émeraude des pâturages dans les vallées, la rosée et les changeants nuages d’or ; le sol était labouré par les rats du désert, hérissé de cactus et de bouteloues ».


Nous arrivons à Los lunas. Moi qui déteste les Mc Do et consorts, je m’arrêterai bien au Burger King du coin pour voir s’ils proposent toujours leurs hamburgers spécial défonce. Il y a quelques temps, deux flics s’y sont arrêtés pour y déjeuner. C’est après avoir avalé la majeure partie de cette saloperie qu’ils se sont rendus compte que l’herbe saupoudrée sur la viande était tout simplement de la marijuana. Je pense qu’il n’y a effectivement pas d’autre façon de faire apprécier les « whopper » et les cuistots auraient dû être félicités pour ce geste admirable d’humanité. les flics en ont décidé autrement, ce qui ne m’étonne pas outre mesure… Ils ont porté plainte et les pauvres cuistots ont été inculpés d’outrages et de violences aggravées sur un officier, des chefs d'accusation criminels. Rien de moins !

Attendez, c’est pas fini… c’est qu’on mange effectivement dans ce patelin !

Et mon assiette... Oui, je vous  le fais pas dire !

En sortant, j'en crois pas mes yeux !

  une plaque de plus pour ma longue collection
Près des motos, un couple de bikers danse. Peut-être que finalement 'il y avait également de l'herbe dans nos plats...

En repartant, je me doute que l’on va quitter « The mother road » selon l’expression de Faulkner pour s’engager sur la 6, route beaucoup moins mythique que la 66, mais tout aussi historique. Elle est appelée “the Grand Army of the Republic Highway”. Allez donc savoir pourquoi. J’ai posé la question, personne n’a pu me répondre. Un type a même haussé les épaules, puis se retournant m’a déclaré : « They like to say also, Route 6 runs uncertainly from nowhere to nowhere »… Je me rappelle que Sal Paradise, le héros de « sur la route » de jack Kerouac, voulait y faire du stop avant qu’un routier lui déconseille pour cause de route oubliée… Je pense à un film, tout autant mythique qu’Easy Reader, peut-être même plus car il porte l’aura du désir inassouvi. « Macadam à deux voies » de Monte Hellman qu’Hollywood retira de la distribution en se rendant compte qu’il s’agissait avant tout d’une errance méditative et non d’un film d’action. C’était un voyage sur la 66 de quelques personnages, guère bavards, des vues panoramiques nimbées du silence des personnages où l’action se limite à l’énergie de la bande originale rock… On the road Jack !

Ne sommes pas nous pas ainsi ? Des personnages ignorés d’un film oublié au sein des grandes plaines qui défilent la monotonie d’une contrée vide. Hormis le fait que nous sommes embarqués sur des motos et non des voitures qui constituaient l’unique existence tangible de personnages insignifiants, absurdes et paumés, au cœur d’une lutte sans merci entre vitesse et lenteur.


Oui, c’est peut-être bien nous ! Ce qui est certain par contre, est ce que rappelle également le film génial du psychotique Vincent Gallo, «The Brown Bunny ». Nous roulons sur une route qui mène tout droit à la casse. L’image de cette route, délaissée par un peuple aphasique, rappelle que l’Amérique n’est plus du tout triomphante. D'ailleurs à Mesita, nous la perdons. A tel point que je m'ensable, roue avant plantée sur une bonne dizaine de centimètres. Aymci obligée de descendre et de pousser à l'avant de la moto, et tous les autres copains en bas de côte, morts de rire (merci la solidarité).


A Laguna, on devait visiter l’église, mais bon on était un peu en retard et faire le plein était plus important. On a peut-être raté quelque chose. Valérie, désolé, mais la visite chez Harley ce matin a bousculé quelque peu ton programme. Les villages s'effacent devant nos roues, inexistants si ce n'est les panneaux qui les identifient. A part peut-être Cubero, sauvé par une légende urbaine, ou plutôt campagnarde. Cubero est un ancien village que paradoxalement, la 66 délaissa en 1937. Sans doute avait-il alors déjà perdu beaucoup de son importance. A l’embranchement de la 88 et de la très vieille route espagnole qui y mène encore, s’étaient bien évidemment construits un motel, un café et un magasin. L’ensemble porte le nom de Villa de Cubero. Un halo de mystère entoure le lieu. Des rumeurs tendraient à démonter qu’Hemingway y a écrit une partie du « vieil homme et la mer » ici même, lors d’un séjour de un ou deux mois. La source de cette anecdote est l’interview du fils du propriétaire de la villa de Cubero que réalisa Johnnie Meier pour le magazine américain « American Road Magazine ». Il indique qu’Hemingway écrivait souvent dans le café qui est toujours face à nous. Il était alors tenu par sa mère. Elle n’avait pas de respect particulier pour l’écrivain qui jetait par la fenêtre de sa salle de bain les bouteilles d’alcool consommées, foutait sa chambre dans un désordre indescriptible et ne changeait jamais de vêtements. Un jour que l’auteur entrait dans le café, elle aurait même eu ces paroles :

- Voici le diable puant !

Bien que parlant couramment espagnol, Hemingway n’aurait pas répondu. Il l’aurait toutefois parfaitement entendu car – et c’est là que l’histoire prend des reliefs qui font osciller la légende du côté de la réalité – il s’en serait souvenu en dédicaçant à la veille dame un exemplaire du « Vieil Homme et la mer » de cette insulte "The Dirty Old Devil, EH.". Or, ce livre, et donc la dédicace, Johnnie Meier l’a vu ! Vivian Vance, l’actrice amie des Hemingway, qui venait assez fréquemment dans son ranch de Cubero, s’était chargée de remettre le bouquin à la tenancière du café. Toutes ces informations sont tirées de l‘article de Meier que le magazine publia en printemps 2008 et que l’on peut lire sur le mur du bureau du magasin.

Ceci dit je ne suis pas totalement convaincu. Carlos Baker, le biographe officiel d’Hemingway n’évoque jamais d’escapade à Cubero. Ni d’ailleurs d’abandon de la Finca – sa maison cubaine – pendant la rédaction du roman. Peu après la publication du « vieil homme et la mer », Hemingway passe bien quelques jours aux Etats-Unis, mais dans son ranch de Ketchum et comme à son habitude, avec pas mal de proches accrochés à ses basques… De plus, il est toujours possible qu’un schizo se soit fait passer pour lui… Même l’autographe du livre peut être une mascarade. La seule chose qui pourrait me turlupiner est l’intrusion de Vivian Vance dans l’histoire… Et puis, de toutes façons, quel est le pouvoir irradiant qui aurait pu attirer Hem dans ce trou ? Le même sans doute que celui qui fit s’installer là le sculpteur Federico Armijo. Il faudrait lui demander de s’exprimer sur ce sujet.


Nous arrivons enfin à une ville d'importance, Grants. il parait qu’il faut absolument goûter la spécialité du Grant’s Café, le cheeseburger au piment vert. Mais bon, ce n’est pas vraiment l’heure de passer à table et à choisir, dorer des piments verts et des oignons à la plancha avant de les déposer sur un steak - sans fromage s’il vous plait – je suis parfaitement capable de retour en France.


De Grants, en prenant à gauche la direction d’El Morro National Monument on débouche sur l’ancienne route des indiens, des explorateurs, des missionnaires et des pionniers. Cela présente bien évidemment un côté plus attrayant que la 40. Il s’agit de l’ancienne route qui faisait la jonction entre le Rio Grande et le Colorado. Le premier blanc à la suivre afin de rejoindre la Californie fut le fondateur et premier gouverneur du Nouveau-Mexique, Don Juan de Oñate. En fait, ce dont je me rappelle surtout de ce type, c’est qu’il faut particulièrement sanguinaire envers les indiens. Plus ces troupes en massacraient et plus il s’en enorgueillissait. Il était si imbu de sa personne qu’il traça sur la roche lors de son périple « Passé ici, l’explorateur Don Juan de Oñate, découvreur de la Mer du Sud, le 16 avril 1605 »

Avant d’arriver à la El Moro, on passe par Bandera Ice Cave où se trouve de la glace vieille de 1100 ans. A faible distance se trouvent les champs de lave d’El Malpais.On fait l'impasse. Nous traversons des montagnes aux roches noires, pobablement de la lave à leurs formes de boudins. Puis Milan et Bluewater Sam Shepard écrivit ici, une histoire de son recueil « Motel Chronicles ». Je regarde les motels qui bordent la route cherchant peut-être celui où il résida… La version française éditée par Christian Bourgois possède en couverture une photo due à Johnny Dark présentant en noir et blanc – ce qui est une obligation quand on se nomme ainsi - un portrait en pied de l’auteur-acteur, une bouteille de bière à la main, devant un de ces motels. Il porte un stetson et la lumière est crue sous le soleil. Tous les motels se ressemblent, comment reconnaître le sien… Puis on laisse Prewitt et Thoreau où nous passons « the continental divide », la ligne de partage des eaux. D'un côté, elles se jettent dans le Pacifique et de l'autre, dans l'Atlantique. A 7200 pieds, il s’agit du point le plus élevé sur la 66. Nous ne nous arrêtons pour visiter un authentique Hogan indien. Kit Carson a résolu ici le problème indien. Brutalement, dans le sang, pou quelques dollars.


Et voilà Gallup; notre destination du jour.

Nous logeons et dînons au restaurant El Rancho moins connu pour sa cuisine que pour l’aura qu’il acquit dans les années 40 ; Kirk Douglas, Ronald Reagan, Katherine Hepburn, Spencer Tracy, Franck Sinatra, John Wayne,Humphrey Bogart, Errol Flynn et bien d’autres, tous ont défilés ici lors des tournages des westerns réalisés dans la région.. Leurs photos courent sur les murs et la devise du resto, quoique obsolète, continue de briller dans le ciel nocturne « Home of the movie stars »… La réalité est plus prosaïque. Le tout Hollywood venait là car le patron était tout simplement le frère du célèbre réalisateur W. D. Griffith. Et comme la variété des paysages et leur extraordinaire beauté attirèrent de nombreuses équipes de cinéma, le succès perdura. De là, à en faire un mythe, n’exagérons pas. Les stars ne brillent plus, seule la nostalgie demeure. Si à Gallup, aux temps héroïques des "Western" les acteurs et actrices de l'époque descendaient tous au Motel El Rancho, et bien, nous aussi.

Je préfère de loin l’anecdote relative à l’origine du nom de la ville. Elle naquit comme bien d’autre du chemin de fer. Une bourgade sans doute un peu plus importante que les autres car les compagnies de chemin de fer y avaient installé notamment leurs bureaux administratifs. La légende rapporte que les ouvriers qui la construisaient disaient toujours « je vais à Gallup » lorsqu’ils allaient toucher leur paye, pour la bonne et simple raison que l’employé payeur s’appelait Gallup. Le nom est resté…
En fait le principal intérêt de la ville est qu’il s’agit vraiment de la porte d’entrée des terres indiennes !

Nous verrons cela demain !



 

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16 septembre 2009 3 16 /09 /septembre /2009 06:47
Au petit matin, nous n'avons pas quitté Gallup qu'un arret essence indispensable nous met tous les sens en éveil. Que va donc oublier Régine cette fois-ci ? Hier, c'était le casque.
Au sud de Gallup se trouve le Zuni Pueblo, l’un des plus grands pueblos du Nouveau Mexique. Nous ne le ferons pas, la journée est très chargée. C'est sans doute le parcours de la 66 le plus aléatoire. Allison, Mentmore puis Manuelito. Nous quittons le Nouveau Mexique pour pénétrer en Arizona.
Lupton ; la journée est trop avancée pour trouver des groupes d’hispaniques faisant le pied de grue sur des parkings, dans l’attente d’une offre d’emploi. De toute façon, ces groupes sont de moins en moins nombreux. A moins qu’ils ne se cachent. De plus en plus de comtés de l’Arizona appliquent depuis quelques mois stricto sensu la nouvelle loi de l’état d’Arizona faisant de ces travailleurs clandestins des « co-conspirateurs ». Le gouverneur avait sans doute marre d’attendre que Washington clarifie les lois sur l’immigration. Du coup, ici on les chasse sans aucun état d’âme. Et ceux qui auraient la velléité de les faire travailler encourent de sérieux risques de fermer boutique. De ce point de vue, le Sud n’a guère changé. La chasse au négro a juste cédé la place à celle du latino.
Allenton, Senders, Chambers, Navajo, les patelins passent sans lancer la moindre oeillade au passant. Pas de charme, pas de vie, pas la moindre accroche de l'oeil. La 66 se réduit à des portions que l'on s'entête à prendre lorsque c'est possible. Sur l'un d'entre eux, nous roulons sur ni plus ni moins qu'un lit de sable. Nous le pensons solide, tassé par de nombreux véhicules jusqu'à ce que Serge plante sa roue droite dans une ornière masquée. La Harley tombe à la renverse jetant au sol son équipage. Brigitte n'a rien, Serge a le menton endolori. Aimcy, plus rapide qu'un 6 coups a déjà en main la trousse de secours. On ressort la moto du sable, Serge est surnommé Stéphane Peterhansel et on décide d'abandonner ce tronçon et de reprendre l'Interstate 40. D'autant qu'elle ne présente aucun interêt. la 40, la 6 et la voie de chemin de fer tracent leur ligne sur une plaine morne et pelée. Les quelques reliefs sont plus loin, inaccessibles.
Notre destination de la matinée est annoncée, « The petrified forest national park »  Il s'agit de la réunion en fait de 2 parcs, jonction du painted desert, sables colorés avec des vues magnifiques, et de la petrified forest. Il y a 225 millions d'années, une forêt a été noyée par l'eau. La conjugaison de cette eau et du sable, dont Serge a pu apprécier les qualités, a produit des réactions chimiques qui ont pétrifié le bois pour donner des pierres de couleurs variées : violet et vert pour le jaspe, jaune, cristal et marron pour l'agate. Mais pour l'instant nous sommes subjugés par ce désert présentant tant de couleurs et de volumes variés.

Après un arrêt photo, une sirène rugit derrière moi. Coup d'oeil dans le rétro, un véhicule de cops. Je m'arrête aussitôt. Le flic s'arrête derrière moi et m'intime l'ordre au haut parleur de couper le contact et de ne pas descendre ni bouger. La totale quoi ! Aimcy derrière moi de ne souffler "mais qu'est-ce que t'as fait". Comment veut-elle que je le sache ? Peut-être mon  faciès, rouge au demeurant ce qui n'est pas bien vu chez les cow-boys. Le flic est descendu. Il s'avère qu'il s'agit d'un ranger, une race apparentée au flic, en un peu moins civique ou, si l'on veut en un peu plus sauvage. Il veut mes papiers. Je lui dis qu'ils sont dans le top case. Il recule alors de quelques pas, pose sa main juste au dessus de son colt et me demande de descendre. Pourvu qu'on ne rejoue pas règlement compte à Painted Désert. Régine là dessus s''avance pour  filmer la scène et déclenche les foudres du Ranger. C'est pas possible, elle veut me faire descendre !!!!
Finalement, après avoir emporté mes papiers dans son véhicule et bavassé avec je ne sais qui, il revient me faire la morale, ou plutôt me faire le sempiternel discours sur l'importante stupidité des règles qui prennent le pas sur l'esprit, en l'occurrence, sur le stop glissé que font tous les motards... Demande-t-on aux automobilistes d'ouvrir la portière et de poser le pied par terre ?
Après son discours lénifiant, et mes plates excuses, oui oui j'ai bien tout compris de l'importance du pied au sol lors d'un stop. Oui, mon commandant, je vais rappeler à tous mes camarades du groupe, l'importance d'appliquer cette réglementation judicieuse... etc... Et il me laisse partir. Ouf !
Un peu plus loin, après avoir posé plutôt 2 fois qu'une les pieds au sol à chaque stop, nous pénétrons dans la partie de la forêt pétrifiée. Le parc permet d'approcher de troncs extraordinaires. Difficile de ne pas songer à ce que disait Conrad « avec leurs multitudes d’arbres séculaires qui considéraient patiemment ce misérable fragment d’un autre monde avant-coureur de changements, de conquête, de négoce, de massacres, de bénédictins ».



Nous traversons aussi une zone de «  mauvaises terres » colorées par le fer, le manganèse et d'autres minéraux avant de regagner la 40 et reprendre notre recherche de la 66. Mais, une fois de plus, nous sommes en retard. Il est déjà plus de 14 heures lorsque nous atteignons Holbrook ou nous devons déjeuner d'un saumon, archi cuit et de riz réchauffé...

Voous noterez le chapeau hors contexte de notre chauffeur guide.

Lorsque les deux compagnies Atlantic RailRoad et Pacific RailRoad se rejoignirent enfin (1881), on fêta le directeur du projet, l'ingénieur Henry R. Holbrook. Une ville fut fondée et on la baptisa de son nom. Elle allait être au cœur de l’histoire du far-west. Un épisode fameux de l’histoire des Outlaws s’est déroulé ici, la fusillade entre le sheriff Perry Owens et la bande de Blevins en 1888. Eclipsé par le célèbre « règlement de compte à OK Corral », il n’en demeure pas moins une légende l’Ouest. En voici l’histoire
A l’époque, une guerre de gang meurtrière faisait rage entre éleveurs de bovins et de moutons. La bande de hors-la-loi la plus connue du comté dont Owens avait la charge était celle des Blevins. Elle sévissait pour le compte de l’éleveur Graham dans une lutte sans merci contre la famille Tewksburys, propriétaire de troupeaux de moutons. En septembre 1887, Owens tenta de soumettre ces hors-la-loi, menés par un homme appelé Andy Blevins que ses demi-frères secondaient. C’étaient des voleurs de bétail soupçonnés de plusieurs meurtres.
Le 4 septembre 1887, Owens, pénétrait sur la propriété de Blevins d’Holbrook, Il venait réclamer un impayé à l’un des membres de la bande, un certain Andy Cooper. Connaissait-il le nombre d’occupants qui était cette après-midi là derrière le porche qu’il frappait ? Outre Cooper, il y avait en fait John Blevins, Samuel Houston Blevins, Mose Roberts, un oncle  et la mère des Blevins, la femme de John Blevins, Eva, une certaine Amanda Gladden, des amis, et plusieurs enfants. En tout, douze personnes. Comme tout représentant de l’ordre, Owens tenait au creux du bras une Winchester. Cooper ouvrit, un pistolet à la main. Owens ne fut pas surpris, et le braquant, il lui demanda de sortir, les mains en l’air,
- T’es en état d’arrestation. Voici le mandat d’arrêt.
Cooper tenta alors de refermer la porte. Owens se précipita, lâchant sa carabine, il l’attrapa par le gilet, et tout en tirant hors de la maison, il le frappa à l'estomac. Une détonation retentit. John Blevins venait de tirer sur le shérif par une fenêtre. Il le manqua. Le cheval de Cooper, qui était attaché à un arbre dans la rue, gisait au sol. Owens se tournant vers cet assaillant impromptu tira à son tour, blessant John Blevins au bras. Le sheriff s’était déjà précipité dans la rue afin d’avoir une vision de tous les côtés de la maison. Un des hommes de Blevins, Mose Roberts, avait déjà sauté d'une fenêtre et se précipitait sur le shérif. Mais il s’affala aussitôt sur le sol une balle lui traversant le corps. Owens rechargea sa Winchester. Un lourd silence venait de s’installer. Puis la porte d’entrée grinça. Samuel Houston Blevins, repoussait le corps d’Andy Cooper, mortellement blessé. Sa mère tentait bien de le retenir à l’intérieur, mais rien n’y fit. Dans la fougue de sa jeunesse – il n’avait que 15 ans, Samuel sortit. Voyant le jeune homme venir à lui, un colt à la main, Owens fit feu une fois de plus, blessant mortellement Samuel sur le coup. Le jeune homme trébucha, la mère se précipita et dans une ultime étreinte maternelle, Samuel expira. La fusillade avait pris moins d'une minute !

On n'aurait pas du manquer le Santa Fe dépôt et le seau du Blood Saloon.  Mais bon, "on est pas rendu" comme dirait Bourvil. Allez, quittons
Holbrook, avec regret d'ailleurs car elle a conservé pas mal de traces architecturales - oui je sais, c'est un bien grand mot - de ce passé far west.

Peu après, Joseph City, puis le célèbre Jackrabbit ("Here It Is" Trading Post) on se demande bien pourquoi...
On arrive ensuite à Winslow qui n’est pas n’importe quelle bourgade de l’ouest américain, du moins dans la mythologie mormone. Ici décéda, une sainte femme chère aux évangélistes des Saints des Derniers Jours. Mais pour vous en parler, il faut que j’anticipe ma narration des lieux en remontant dans l’histoire des explorations du Colorado.
Il fallu attendre 300 ans après l’arrivée des espagnols avant que le Colorado et son principal affluent, la Green River, aient été entièrement explorés. Ce fut l’oeuvre en 1869 du géologue américain John Wesley Powell. Au cours de cette expédition, Powell et son groupe furent les premiers à traverser le Grand Canyon. Nous connaissons le périple de cet exploit car John Wesley Powell en rédigea la relation publiée en 1875. Je vous en reparlerai lorsque nous y serons. Powell refit une seconde expédition incomparablement plus riche en logistique en 1872. A son terme, un premier groupe où figurait Powell arriva à Kanab en novembre. Ils n’étaient que quatre car le reste du groupe était à Rock House à environ soixante miles d’ici. Après avoir descendu le Colorado depuis Green River City , ils venaient juste de franchir le bac Lee’s Ferry. C’est à ce bac Lee’s Ferry que je voulais en venir, ou plutôt à celle qui en assurait le service. Il était en effet tenu généralement par Emma Louise Batchelor Lee French, une figure incontournable de l’histoire du Far West.
Emma Lee est arrivée de la côte est des États-Unis, avec un groupe de mormons dont elle partageait les convictions. Elle était sur un chariot qu’elle dirigeait seule comme tant de pionniers. Mais elle se distingua rapidement en soignant et en sauvant nombre d’entres eux dans un voyage particulièrement éprouvant ou moururent plus de 150 pionniers.
Arrivé à Salt lake city, elle rencontre John Doyle Lee, un homme influent de la communauté des mormons. Ce fut d’ailleurs, Brigham Young, le responsable de l’implantation des mormons ici - autre grand personnage de l’Ouest américain - qui maria le couple le 7 janvier 1858. John Doyle Lee n’était cependant pas quelqu’un de très clair. Il était notamment soupçonné d’avoir participé au massacre des 140 immigrants à Mountain Meadows et c’est notamment pour répondre de cette accusation, qu’il fut poursuivi par les fédéraux pendant près de vingt ans.
A la suite de ces accusions, aggravé par un certain George Hicks, un chroniqueur de la bourgade Harmonie dans l’Utah, l’église mormone excommunia en 1870 John Doyle Lee. On lui attribua alors une tâche rédemptrice, l’établissement d’un bac sur le Colorado, près de la frontière entre Arizona et Utah. C’est là qu’Emma rencontra le major Powell et qu’elle soigna et sauva le photographe James Fennesmore d’une mort certaine. C’est donc en partie grâce à elle que nous sont parvenues les photographies de lieux anéantis. En général Emma était seule. Bien que John fut l’exilé, Emma était la recluse ! Son époux, outre qu’il devait fuir ou se cacher, avait comme tous mormons plusieurs épouses et de nombreux enfants qu’il se devait d’aller voir et de leur consacrer quelques temps… Emma assurait donc le service du bac, tout en élevant ses propres enfants. En 1873, une tribu Navajos vint s’établir près de sa maison. Son chef était un ami de son mari. Aussi décide-t-elle d'aider les Navajos, qui lui en sauront gré. Plus tard cette année là, un nouveau né - une fillette - rejoignait ces rives du Colorado ; Emma donnant naissance à son sixième bébé. Son mari absent, c’est son aîné John Junior qui coupa le cordon ombilical.
John Doyle Lee fut finalement rattrapé par la police et tué lors d’une confrontation le 23 mars 1877. Deux ans plus tard, avec des enfants en bas age et économiquement dans le besoin, Emma Lee du vendre le bac pour 100 vaches laitière. Elle fut toutefois aidée par un vétéran de la guerre civile, Franklin French, qu’elle épousa finalement en 1879 à Snowflake (Arizona) avant que le couple ne s’établisse à Holbrook. Par la suite, ils s’installent dans les White Mountains, mais leur maison fut brûlée lors d’une attaque Apache in 1882. Emma ouvre alors un restaurant près des stations de gare des Chemin de fer de L'Atlantique et Pacifiques. Bien qu'elle n'ait aucun titre médical officiel, la population l’appelait Docteur French, du fait de ses capacités à guérir de nombreuses maladies. En 1887, elle s’installe à Winslow, où elle aide de nombreuses femmes à accoucher ou dans le besoin et notamment des Navajos et des prostituées. Elle poursuit son œuvre, malgré les drames familiaux qu’elle subit, le suicide de sa fille, Victoria Lee, ou le meurtre de son fils Ike par un homme tentant de séduire son épouse.
Début novembre 1897, alors que son mari est en expédition, elle a la prémonition de sa propre mort. A son retour, le 16 novembre, elle subit une crise cardiaque. Mourante, elle est portée sur son lit. A l’extérieur, une foule immense ou se côtoient bourgeois, Navajos, cow-boys entrepreneurs et prostituées, s’est rassemblée. Bon nombre pleurèrent sa mort. Ses funérailles fut le plus grand événement de la ville de Winslow de cette époque. Les citadins, les propriétaires de ranch, les indiens, les employés des chemins de fer se rassemblèrent pour lui rendre un dernier hommage. Même la compagnie de chemin de fer décréta un hommage posthume ; tous les trains traversant Winslow devaient s'arrêter quelques minutes, puis quitter la gare  à vitesse réduite sans utilisation des sifflets et cloches.
Le mythe du Far west est aujourd’hui bien loin. Emma aurait sans doute été oubliée par la population actuelle, si les mormons n’avaient entretenu sa mémoire. Mais tant de grâce, surtout lorsqu’elle est teintée de divin, inspire quelque méfiance de l’américain moyen. Les jeunes notamment préfèrent citer plus volontiers d’autres faits glorieux de la ville, tel celui du lieu ou le groupe californien Eagles composa le beau tube « Take it easy » qu’il n’est pas rare d’entendre lors de la traversée de la ville. On prend de l'essence. Régine ne se trompe pas, n'oublie rien, mais se perd dans la station !
Two Guns, ville fantôme ; Twin Arrows, ville fantôme ; Winona, jeu de cache-cache... Un dépôt d'alcool tenue par une indienne, prisonnière derrière un énorme grillage. Une voiture arrive devant ce commerce où la marchandise est cachée derrière des barbelés. La conductrice aborde Régine... Elle est complètement saoûle.
La route 66 n’est plus qu’un fantôme que quelques nostalgiques comme nous perpétuent. Nez collé au sol, on cherche le bitume originel. Parfois elle a tout simplement disparue. Certains tronçons du tracé original ont tout simplement disparus, ou sont interdit par des barrages. Il faut alors jeter les bécanes sur l’asphalte de l’Interstate 40. Pour compliquer les choses, son nom même change ; West 66 ou, dans l’autre sens, East 66, Highway 66. Dans les villes c’est pire. Ici, à Holbrook, elle s’appelle « Hopi Drive ». A Albuquerque, il fallait chercher « Central Avenue ». Auparavant, à Amarillo, la « 6th ». La palme revient à Tucumcari ou on l’a dénommée « Tucumcari boulevard ». Original, n’est-ce pas ? En fait pour s’y retrouver, on n’a pas d’autre choix que de rechercher la pancarte originale. Cela peut s’avérer une quête mythique dans certains quartiers urbains ou le nombre de panneaux publicitaires damne le pion à celui des habitants. Parfois la profusion même du sigle 66 assaisonné à toutes sortes de produits nous renvoie à nos chères études. Depuis 1985, la route n’a plus d’existence légale. Seules les revendications et la pression des associations de préservation de la 66 lui permet de survivre… Les rapports des américains avec leur maigre passé et leur courte histoire laissent malgré tout augurer d’un futur pérenne. D’autant que le tourisme y trouve son compte. Nous sommes bien placés pour le revendiquer.
- Et M… ! On s’est encore trompé ! Le panneau LEFT veut dire ne pas prendre alors qu’on n’a bêtement tourné à gauche !
- Je te l’avais dit ! turn right : tourner à droite, right, tout droit ; turn left, tourner à gauche et left, laisser !
- Turn pas la tête, je te prie et conduit au lieu de râler !
Depuis Holbrook, la 66 n’est plus que l’ombre d’elle-même. Son revêtement laisse de plus en plus à désirer. L’herbe, la terre et le sable la grignotent implacablement. Les éclatements du bitume lui donne une peau tannée et ridée. Parfois ses brutales disparitions inquiètent. La prudence est de rigueur lorsqu’on s’engage, surtout à deux roues, sur cette voie oubliée… The Mother Road fait alors penser à un spectre, qu’accentuent les villes fantômes telles que Two Guns ou Twin Arrow qui la bordent tels des croques morts, dans une immobilité lunaire et une silence pesant.
Saisissant raccourci que cette route symbole de l’Amérique. Tracée par des indiens et les premiers conquistadors espagnols, qui a vu penser tous les rêveurs de la conquête de l’ouest, ou souffrirent les indiens sur les pistes des larmes, qu’empruntèrent tant de vagabonds, de va-nu-pieds, de bannis et les chômeurs victimes de la crise de 39n ou d’autres, elle n’est plus qu’un musée désuet et souvent en ruine. Sa visite ne procure pas spécialement d’émotion visuelle, du moins sur cette partie plantée de paysages souvent ternes et lassants. Il s’agit plutôt d’un musée historique. Les pages que je vous délivre en sont d’ailleurs probablement le reflet. Et comme le montre si bien les Cadillac plantées dans le sol de Cadillac Ranch à Amarillo, la mère des routes est un ex-voto dédié au monde révolu de ces épave appelées lentement  à se fossiliser.  Plus romantique, Yves Berger écrit « Des ombres s’étendaient, longues et la vieille route 66 devant eux glissait dans l’espace rose d’un crépuscule où traînait le soleil, moins une route qu’un rêve mélancolique du passé ». Berger était un indécrottable sentimental, oubliant que le mythe de la frontière était surtout « un appel au crime pour l’âme corrompue » comme l’ont dit d’autres avant moi…
Le Walnut Canyon National Monument est bien évidement fermé lorsque nous l'atteignons. Ce sera la grande déception de ce début du voyage. Rater un village troglodyte construit dans les falaises du Canyon Walnut il y a 800 ans !!!
Du coup on  arrive plus tôt à Flagstaff, dans un hôtel vieillot, aux chambres  ridicules pour ne pas dire sommaires. Le bar est par contre au top et on s'y laisse aller.
On trouve dans tous les commerces qui bordent la route des exemplaires du « travel Coupon Guide ». C’est gratuit, il n’y a qu’à se servir. C’est intéressant à plus d’un titre car le voyageur dispose au sein d’une petite revue de la liste de presque tous les hôtels et motels classés par ville, ainsi que des coupons de réduction sur les prix. Si votre réservation dans l’un ou l’autre a déjà été effectuée, n’ignorez pas ce guide car vous y trouverez également tous les plans des villes de la région.
Nous sommes au coeur du pays de la Country Music, même si Merle Haggard, l’un de ses plus grands chanteurs compositeurs a du s’enfuir de Flagstaff poursuivit par des Hells Angels qui voulaient lui faire la peau. Cela se passait en 1957 et Merle avait 20 ans à peine. Il était à pied, en guenilles au cœur de l’hiver. Une période de muise pour lui. Larcins, prisons, évasions, cachetons… Sa rencontre plus tard avec Johnny Cash allait changer la donne !
Ce soir après le repas, il y aura un concert de country au sein même de l'hôtel. Je ne pense pas y assister, j'ai trop de retard dans ce blog, et il faut que je prenne des forces pour demain ou une autre aventure commence.
Ce voyage n’est pas seulement géographique. Nous passerons demain d’un extrême à l’autre ; du symbole d’une industrialisation moribonde qu’est la 66 aux « déserts de l’Ouest américain », champ de bataille d’Edward Abbey, l’un des écrivains phares du renouveau américain de l’écologie qui a défendu les espaces sauvages avec passion. J’aurai l’occasion d’en reparler lorsque nous serons au cœur de son territoire. J’aime bien retrouver dans la réalité des lieux que j’ai connu auparavant dans les livres, ou, plus rarement, dans les films. Ce n’est, bien évidemment pas, que le cinéma ait ignoré le sud ouest des États-Unis, bien au contraire, c’est que ma culture cinématographique est une peau de chagrin comparée à ma boulimie livresque.
Ici, ne nous leurrons pas, il vaut mieux se souvenir des images vues dans les salles de cinéma que des textes de revues, de guides ou d’œuvres littéraires.

Allez, bonne nuit !

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